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Loto Édition
14 août 2022

Les jeux sont faits

CouvLJSF

J.-A. Flanigham est un auteur que j’adore tout particulièrement sans savoir pour autant qui il est.

Effectivement, le pseudonyme de J.-A. Flanigham apparaît en 1945 dans les collections policières des éditions du Moulin Vert, notamment à travers les récits sur les aventures du journaliste Bill Disley.

Après plus d’une vingtaine de fascicules de 32 pages (ou 16 pages, double colonne, selon), ce personnage se verra consacrer deux collections de fascicules plus consistants « Les aventures de Bill Disley » et « Les nouvelles aventures de Bill Disley ».

Mais, jusqu’en 1959, J.-A. Flanigham signa d’autres récits, quasi tous policiers, certains autour d’autres personnages récurrents comme le couple de détectives Dick et Betty Reutel, ou des membres de l’agence de détectives Garnier, et d’autres, indépendants, publiés dans la « Série Noire et Rose » des éditions Lutèce ou encore dans les collections « Le Verrou » ou « Police et Mystère 2e série » des éditions Ferenczi…

En tout, 90 titres dont certaines rééditions.

Si l’auteur maniait la légèreté, l’amour, l’humour, dans les récits autour de Bill Disley ou ceux mettant en scène Dick et Betty Reutel, le reste de sa production est dirigée vers le roman noir à l’américaine.

Dans tous les cas, on reconnaît la patte de l’auteur (quel qu’il soit) par sa maîtrise et l’utilisation poussées des incises dans ou autour des dialogues, des indications scéniques permettant, en quelques mots, de rythmés les récits, mais, surtout, d’étoffer les personnages, de leur donner une âme, de permettre aux lecteurs de suivre les pensées de chacun.

« Les jeux sont faits » est un fascicule de 128 pages publié en 1958 dans la collection « Le Verrou » des éditions Ferenczi.

LES JEUX SONT FAITS

Marc Rogerel est un jeune homme étrange, aussi fascinant qu’inquiétant.

Est-ce son charme ou son côté sombre qui attira Clotilde à l’accompagner à « Little House » la pension tenue par la vieille Martha dans laquelle il vivait depuis des années ?

Et quel aspect de sa personne poussa quelqu’un à l’assassiner, la nuit, durant une fête donnée dans la demeure ?

Cette question, le commissaire DURTEIL et le journaliste Fred Mathieu se la poseront.

Le premier, par souci de justice.

Le second, par amitié pour Clotilde.

Mais les secrets autour du défunt vont se révéler nombreux et engendrer bien d’autres malheurs…

C’est bien la première fois que Marc Rogerel amène une femme à Little House, la pension tenue par la vieille Martha dans laquelle il vit depuis des années.

Pour l’occasion, Martha appelle tous les amis de Marc pour organiser une fête.

Pourtant, Clotilde, la femme en question, est persuadée que Martha ne voit pas d’un bon œil sa présence et que Marc n’avait aucune envie de voir ses amis. Pis, il semblait craindre quelque chose.

Et, quelques heures plus tard, alors que tout le monde est à moitié ivre, Marc est assassiné dans sa chambre d’un coup de poignard…

Clotilde appelle alors son ami Fred Mathieu, un journaliste, pour venir la chercher tandis que le commissaire Durteil et ses hommes débutent leur enquête.

Pour innocenter Clotilde, qui, après tout, figure au nombre des personnes des potentiels suspects, Fred Mathieu va mener ses propres investigations et découvrir la face cachée et sombre de la victime ainsi que les liens ténébreux qu’il a tissés autour de lui…

Le lecteur se retrouve donc dans le monde obscur de J.-A. Flanigham, un auteur mystérieux, mais assurément empreint de l’univers du roman noir à l’américaine.

Je fais souvent le parallèle entre Flanigham et Vernon Sullivan, le pseudonyme de Boris Vian pour écrire des romans noirs à l’américaine, notamment et surtout à cause des dates d’activités.

Vernon Sullivan est inventé en 1946 et meurt avec Boris Vian en 1959.

La période d’activité de J.-A. Flanigham se situe entre 1945 et 1959.

Tous les deux ont œuvré, mais pas que, dans une sorte de parodie du roman noir à l’américaine.

Mais, là où le sens de la parodie de Vian le pousse dans certains extrêmes (violence, sang, sexe, outrance, rocambolesque), Flanigham, lui, se concentrait sur l’âme noire des êtres humains… et plus particulièrement des femmes.

Il faut dire que la femme a une place prépondérante dans le roman noir à l’américaine même si celle-ci n’est pas toujours (rarement) enviable.

Celle-ci est soit la traînée, soit la vipère, celle par qui tous les malheurs arrivent (un peu comme dans la Bible).

Au mieux, elle devient l’ingénue, réconfort du héros et qui, par sa naïveté, peut également être source de problèmes.

Ici, Flanigham propose tout le panel de la femme du roman noir à travers différents portraits.

Clotilde, celle par qui le malheur arrive, car Marc Rogerel veut changer par amour pour elle.

La vieille Martha, une vieille belle, Maud Dartois, Magda, Annie, dont je ne dévoilerai pas les travers pour ne pas déflorer l’intrigue.

Toutes, qu’elles aient bons ou mauvais cœurs, sont source de malheurs pour les hommes…

Une nouvelle fois, Flanigham nous livre donc une sorte d’étude de mœurs à travers les méandres d’une intrigue dont les tenants et les aboutissants sont liés aux deux choses qui dirigent le monde : le cul et le pognon (l’amour et le pouvoir pour être moins cru).

Et les méandres de l’intrigue sont nombreux et tortueux autant que les secrets.

On retrouve l’art de la narration de Flanigham, sa maîtrise parfaite des incises qui permettent de mieux cerner ses personnages et apportent à chacun de ses textes une épaisseur, une densité, qui permet aux lecteurs de sentir l’ambiance étouffante du récit.

Mais on retrouve aussi, comme personnage central, comme enquêteur principal, un journaliste, corporation appréciée par l’auteur puisque celle de son héros récurrent fétiche : Bill Disley.

Certes, moins d’humour dans « Les jeux sont faits » que dans les aventures de Bill Disley.

Car, quand Flanigham trempe sa plume dans le noir, il ne fait pas semblant.

Pourtant, malgré le sombre, Flanigham se montre ici moins violent que dans certains de ses récits noirs même si la violence physique est remplacée par celle morale, bien plus perverse.

Bref, encore une fois un excellent récit qui rivalise allègrement avec ceux des auteurs américains ou des auteurs français de collection à succès, mais qui n’offrira pourtant pas à Flanigham la notoriété et, surtout, l’immortalité acquise par les auteurs dont les textes leur survivent et c’est fort dommage.

Ô, combien j’aimerais converser avec d’autres fans de l’auteur, (tout comme avec ceux d’Albert Boissière, de Maurice Lambert, de Charles Richebourg, de René Byzance…), mais je peine à en trouver.

Au final, un roman de J.-A. Flanigham ! C’est-à-dire, excellent, maîtrisé, sombre, tortueux, voire désabusé.

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