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Loto Édition

24 avril 2024

Traduttore, traditore

S’il est une locution que j’emploie fréquemment, c’est bien la paronomase italienne « Traduttore, traditore » dont la traduction en français donnerait : « Traducteur, traître ».

Il semble évident que « Traduire, c’est trahir ».

En effet, le traducteur n’étant pas dans la tête de l’auteur et n’ayant pas le même vécu, le même état d’esprit, la même connaissance des personnages, des lieux, de l’intrigue… ses choix de mots seront différents, les tournures de phrases également, chaque langue ne se prêtant pas à la même gymnastique grammaticale.

Il faut donc partir du postulat qu’un traducteur trahit forcément le texte et les pensées de l’auteur qu’il traduit.

Une fois cela établi, on peut alors dresser une échelle de traîtrise qui va de « Je fais ce que je peux pour coller au texte d’origine » à « Je m’en fous du texte d’origine et je fais ce que je veux » en passant par « L’auteur est bon, mais je vais améliorer sa prose »

Et il faut bien avouer que certains (la plupart ?) des traducteurs s’en donnent à cœur joie, aidés en cela parfois par l’éditeur qui rajoute sa livre de sel au grain déjà déposé par le traducteur.

On a ainsi le droit à des fantaisies comme celle de Marcel Duhamel quand il traduisit « Pop. 1280 » de Jim Thompson pour en faire « 1275 âmes » supprimant ainsi 5 personnages du récit pour on ne sait quelle raison.

Mais Marcel Duhamel n’est pas le seul traducteur à s’être laissé aller à des choix plus que discutables.

On notera également le tour de magie de Henry Evie qui parvint, dans ses traductions des aventures de Arthur J. Raffles de Ernest William Hornung, à faire disparaître un tiers de chaque épisode, notamment sur le tout premier « The ides of march » où s’évapore tout le passage expliquant la rencontre entre Arthur J. Raffles et son partenaire et ami Bunny et permet de comprendre pourquoi ce second se laisse aussi facilement entraîner dans le cambriolage d’une bijouterie…

Que dire de Michel Epuy qui, en matière de prestidigitateur n’a rien à envier aux deux magiciens précédents puisqu’il parvient à transporter « The Thinking Machine » de Jacques Futrelle, un scientifique américain, et son partenaire le journaliste Hatch, en Suisse, ce dernier travaillant dès lors pour « La gazette de Genève », après avoir changé de prénom (Henry) et le premier, de Augustus SFX Van Dusen, se contente de s’appeler M. Dusen.

Et j’en passerais d’autres comme René Lécuyer qui se permit de faire sauter nombre fin ou début de chapitres voire même un chapitre entier du roman « Le crime de la 5e avenue » de Anna Katherine Green

Les exemples sont légion et il serait quasi impossible d’en établir une liste exhaustive ni même de décerner la médaille du « Pire traducteur au monde » tant les postulants sont nombreux.

À contrario, il faut bien l’avouer, à trop vouloir respecter le texte d’origine, on peut être tenté de livrer une prose indigeste tant les tournures de phrases, les expressions et autres joyeusetés de certaines langues ne se prêtent guère à une traduction littérale stricto sensu…

Reste alors au traducteur scrupuleux de trouver un juste milieu afin de respecter au mieux l’œuvre à traduire et le lecteur qui lira ladite traduction…

Et il faut bien avouer que cela n’est pas toujours facile.

Je suis d’autant mieux placé pour en parler que j’ai très longtemps fui les traductions pour ne me concentrer que sur des récits écrits en langue française afin d’être certain de lire ce que l’auteur a voulu écrire, ayant que trop conscience de la locution liminaire à cette chronique.

Je suis désormais d’autant mieux placé que, malgré mes réticences vis-à-vis des traductions et mes griefs envers certains traducteurs, je me suis moi-même lancé dans cet exercice pour le moins difficile.

Comme pour la plupart des textes que je réédite, mon travail de traduction s’est pour l’instant porté sur des récits courts, équivalent à ceux contenus dans les fascicules de 32 pages que je chéris.

Ma première expérience de traducteur s’est portée sur les enquêtes du professeur S.F.X. Van Dusen alias The Thinking Machine de Jacques Futrelle (un auteur américain mort trop jeune à bord du Titanic).

Certaines de ces aventures avaient déjà eu l’honneur de traductions, soit pour des journaux suisses (dont j’ai évoqué la « qualité » de la traduction) et d’autres pour des magazines ou des recueils contenant des enquêtes courtes de différents détectives.

Cependant, même si j’ai retraduit certains de ces textes, je me suis plutôt concentré sur des aventures n’ayant jamais eu les honneurs d’une traduction en Français.

L’expérience fut enrichissante, car elle me permit de découvrir un personnage autrement que passivement, en tant que simple lecteur.

Effectivement, de par ma position de traducteur, je prenais une part active au récit, je découvrais les enquêtes lentement mais sûrement.

Mon but étant de respecter au mieux le texte original, j’ai cherché à coller au plus près possible à l’esprit de la plume de Jacques Futrelle.

Pas toujours facile de traduire certaines expressions ou certains mots plus que centenaires, mais toujours intéressant à faire.

Quelque temps plus tard, l’envie me vint de proposer aux lecteurs francophones de découvrir des personnages qui n’avaient jamais franchi nos frontières.

Ce fut le cas avec les enquêtes de « Lady Molly de Scotland Yard » de Emma Orczy.

Là encore, les enquêtes sont courtes et furent, à l’origine, destinées à des magazines ou des journaux.

L’auteur, Emma Orczy, eut un immense succès avec sa série sur « Le Mouron Rouge », traduite en Français et les aventures d’un autre de ses personnages furent proposées, au début du siècle dernier, aux lecteurs français (Le vieil homme dans le coin).

Pourtant, Lady Molly n’avait jamais connu cette joie. C’est désormais le cas grâce à mes traductions.

Enfin, un jour, je suis tombé sur un autre personnage dont les aventures, selon moi, méritaient également d’être proposées aux lecteurs francophones (même si certaines avaient connu une traduction en papier il y a quelques décennies).

C’est Max Carrados, un détective aveugle, dont vous pouvez désormais découvrir certaines de ses enquêtes également grâce à mes traductions.

Il est évident que je ne m’arrêterai pas là.

Déjà parce que je veux poursuivre les traductions des aventures des trois personnages évoqués. Il me reste une quarantaine d’enquêtes de La Machine à Penser ; Six de Lady Molly et une vingtaine de Max Carrados.

Mais, surtout, j’ai déjà identifié plusieurs autres personnages dont les aventures, selon moi, mériteraient de connaître une première traduction en Français.

Malheureusement, les journées ne font que 24 heures, les semaines, 7 jours, les mois à peine plus de quatre semaines et les années guère plus de 52 semaines.

En plus, j’ai d’autres séries, de langue française, dont je dois poursuivre les rééditions, des romans à écrire, d’autres à réécrire… et je suis si fainéant…

Aussi, tout cela se fera lentement… à mon rythme… rythme qui peut être influencé par les ventes (plus vous achetez une série, plus vous la lisez, plus vous la commentez et plus vous me donnez envie de vous proposer d’autres épisodes).

Bref, traduire, c’est trahir, donc, et, j’ai conscience d’être un traître, mais un traître respectueux, un traître passionné, un traître qui ne trahit que parce qu’il n’a pas le choix et non parce qu’il en a envie.

Mais si je trahis, c’est pour que vous lisiez. Alors, lisez, critiquez, parlez de ces séries (et des autres) autour de vous, conseillez-les, mettez autant de passion à les défendre que j’en mets à vous les proposer.

Traduire, c’est trahir, mais lire, c’est soutenir…

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21 avril 2024

Au kilomètre 29

Résumé des épisodes précédents…

Je suis, depuis plusieurs années (plus de 10 ans), un fan de la littérature populaire policière fasciculaire de notre patrimoine culturel…

C’est-à-dire que j’adore ces petits livres de 32 ou 64 pages qui pullulèrent entre 1910 et 1960 et qui ravirent des générations de lecteurs qui n’avaient ni le temps (de lecture) ni les moyens de s’acheter des romans…

Ces récits qui se lisaient en une heure ou deux me fascinent au point que je plonge régulièrement (très régulièrement) dans cette paralittérature pour mon plus grand plaisir.

J’y ai découvert des auteurs excellents, d’autres qui étaient de « bons faiseurs » comme on dit au cinéma, et, enfin, quelques tâcherons.

Mais j’ai surtout découvert des personnages récurrents et des auteurs prolifiques.

Parmi ceux qui réunissent ces deux conditions, je nommerai le duo du jour : Jacques de Villefort/Paul Dargens.

Le premier est un détective de papier ; le second le pseudonyme de Paul Salmon (1884-1965)…

Paul Dargens est connu pour avoir développé également (et précédemment à Jacques de Villefort) un autre personnage de détective, milliardaire, celui-ci : Luc Hardy, dans les années 1920.

Et c’est dans les années 1930 (à partir de 1936) qu’apparaît Jacques de Villefort au sein de la collection de fascicules de 64 pages, « Police et Mystère », des éditions Ferenczi.

Il vivra au moins 24 aventures.

« Au kilomètre 29 » est la 7e de celles-ci.

AU KILOMÈTRE 29

Georges Richard, entrepreneur en difficulté, reçoit miraculeusement une forte somme à investir de la part de la riche, mais avare Mme Thivrier, une amie de sa défunte mère qui le considère comme de sa famille depuis qu’il est orphelin.

Or, quelques heures plus tard, on retrouve Georges Richard, dans sa voiture stoppée au bord de la route, la poitrine traversée par une balle.

L’argent ayant disparu, Mme Thivrier est alors persuadée que son protégé a essayé de la duper et, devant le manque de résultat de l’enquête officielle, décide d’embaucher le détective Jacques de VILLEFORT pour démontrer la culpabilité de Georges Richard…

Un jeune entrepreneur malchanceux a la chance qu’une amie de sa défunte mère décide de lui confier une forte somme à investir.

Après être passé voir sa maîtresse, une jolie et frivole chanteuse, il rentre chez lui, de nuit…

Les passagers d’un bus découvrent, quelque temps plus tard, sa voiture arrêtée au bord de la route et lui, évanoui, une balle dans la poitrine.

Le blessé est transporté à l’hôpital et déclare, plus tard, aux policiers qu’il s’est arrêté pour prendre quelqu’un qui faisait du stop et que celui-ci lui a tiré dessus.

La police ne réussissant pas à trouver de piste, Mme Thivrier fait appel au détective Jacques de Villefort, lui demandant de prouver la culpabilité de l’entrepreneur, persuadée qu’elle est que celui-ci a essayé de la voler…

On retrouve Jacques de Villefort assez tardivement dans ce récit (à plus de la moitié), le début de celui-ci étant dévolu à suivre Charles Nadaud dans sa relation avec la chanteuse, dans celle avec Mme Thivrier et au début de sa mésaventure.

Du coup, on se doute bien que l’intrigue va être simple (n’ayant pas l’espace pour être complexe).

D’ailleurs, comme souvent dans ce format (mais même dans des textes beaucoup plus longs), l’intrigue tient sur des faits cachés aux lecteurs, l’empêchant ainsi de deviner à l’avance qui est le coupable, mais, surtout, de faire avance l’enquête très rapidement à partir du moment où ces faits sont révélés.

Mais comme on ne lit pas un fascicule pour son suspens, cela ne gâche en rien la lecture.

Pour ce qui est du reste… pas grand-chose à noter ni en négatif ni en positif tant on retrouve dans ce titre tout ce qui fait la littérature fasciculaire policière de l’époque en général et celle de Paul Dargens en particulier.

Au final, un épisode dans la veine des précédents ni meilleur ni pire et qui comblera agréablement un petit moment de lecture…

21 avril 2024

Lord Peter et l'autre

Je poursuis ma découverte des enquêtes de Lord Peter avec « Lord Peter et l’autre »…

Pour rappel, Lord Peter Wimsey est un personnage né de la plume de Dorothy L. Sayers (1893-1957), une femme de lettres britannique dont les 12 romans autour de Lord Peter constituent la principale production et celle qui fit son succès…

Lord Peter est donc un Lord un peu fantasque qui aime jouer aux détectives et qui aide souvent son ami l’inspecteur Parker de Scotland Yard.

Pour le gérer un peu, Lord Peter peut s’appuyer sur son majordome Bunter, un homme intègre à son service depuis des années.

Lord Peter et l’autre :

Bien élégant, ce jeune Bredon que vient d’engager l’agence de publicité Pym comme rédacteur à quatre livres par semaine ! Quatre livres, juste le prix d’une paire de chaussures de chez Briton, comme en porte le jeune Bredon. En plus, Bredon n’hésite pas â prendre des taxis et à inviter les jeunes filles dans des restaurants élégants… Ce n’est pas Dean, que remplace Bredon à l’agence, qui aurait pu se permettre de telles folies. Mais Dean est mort – bêtement en se cassant le cou dans l’escalier en colimaçon des établissements Pym. Stupide accident dont la maison, encore, est tout émue. Et ce Bredon qui n’arrête pas de poser des questions et de fureter partout…
C’est que Bredon ne s’appelle certainement pas Bredon, et que la mort de Dean n’était peut-être pas un accident.

Bredon vient d’intégrer l’agence de publicité Pym en lieu et place du rédacteur Dean, qui vient de mourir accidentellement en tombant dans les escaliers de la boîte.

Seulement, Bredon, en plus d’être fort sympathique et également fort curieux et semble s’intéresser au décès de Dean…

On retrouve donc Lord Peter, mais cette fois-ci tardivement, du moins sous ses véritables oripeaux, car il passe tout le début du roman sous l’identité de Bredon.

Lord Peter Wimsey a été chargé d’enquêter sur la mort de Dean et va se retrouver mêlé à des histoires pas très honnêtes et parfois dangereuses.

On retrouve ici tout l’humour de Dorothy L. Sayers et tout le flegme de son personnage, même si Lord Peter va jouer deux rôles, le sien et celui de son cousin Bredon.

Dorothy L. Sayers continue de se moquer de la noblesse, mais aborde également des thèmes un peu plus sombres comme les ravages de la drogue et la perversion de ladite noblesse à cause de ces paradis artificiels.

Dorothy L. Sayers, pour son roman, s’appuie sur sa propre expérience, puisqu’elle fut rédactrice dans une agence publicitaire pendant dix ans.

D’ailleurs, avouons qu’elle retranscrit parfaitement l’ambiance de ce genre de boîtes et croque des portraits savoureux des divers métiers qu’elles abritent.

Malheureusement, ce faisant, elle multiplie les personnages, au risque de perdre un peu ses lecteurs, mais comme les personnages vraiment principaux ne sont pas si nombreux que cela, on finit par s’y retrouver.

Le principal attrait des aventures de Lord Peter, je le répète, réside dans le personnage lui-même, son flegme, son détachement, son humour et son rapport aux choses.

Du fait que Bredon se retrouve plus présent que Wimsey, le récit perd forcément de cet humour et donc de son attrait.

Dorothy L. Sayers a beau tenter de nous proposer une intrigue un peu tarabiscotée, de nous apporter de fausses pistes, divers suspects voire même de l’humour avec le personnage du garçon rouquin qui veut devenir détective, l’ensemble ne parvient pas à se hisser à la hauteur des meilleurs épisodes de la série sans pour autant en devenir indigeste.

Au final, un roman qui pèche un peu par son principe même : un dédoublement de son héros qui fait perdre un peu de l’humour que celui-ci apporte et une volonté de croquer une agence de pub qui multiplie un peu les personnages et délaye l’intrigue…

14 avril 2024

L'enlèvement de Maryse

Après quelques incartades dans la littérature issue de traductions de récits de langue anglaise, qu’il est bon de retrouver ma chère littérature fasciculaire de langue française !

Pour l’occasion, j’ai fait appel non pas au plus connu des auteurs du format (ils sont de toute façon peu nombreux à avoir ce statut), mais du moins à l’un des plus prolifiques, j’ai nommé Paul Salmon (1885-1965) alias, Paul Dargens.

On doit à cet auteur un grand nombre de récits fasciculaires policiers (mes préférés) dont la plupart furent consacrés à deux détectives récurrents.

Le premier est le détective milliardaire Luc Hardy, qui apparut au début des années 1930.

Le second, celui qui nous concerne aujourd’hui, est Jacques de Villefort qui, lui, fit son apparition en 1936 au sein de la collection « Police et Mystère » des éditions Ferenczi.

Il vécut au moins 24 aventures dont « L’enlèvement de Maryse » doit être la 6e puisque parue en 1937.

L’ENLÈVEMENT DE MARYSE

Maryse Nadaud disparaît mystérieusement après avoir été attirée hors de chez elle par un appel téléphonique lui signifiant que son mari avait eu un accident.

De son côté, Charles Nadaud ne trouve pas son épouse à leur domicile à son retour et passe la nuit à imaginer le pire.

Dès la première heure, le lendemain matin, il se rend chez son ami Jacques de VILLEFORT, un détective renommé, pour lui demander de retrouver sa femme.

Entre doutes et désespoir, Charles Nadaud va vivre la plus éprouvante expérience de sa vie…

Maryse Nadaud s’inquiète que son mari, Charles, ne soit pas encore rentré du travail quand elle reçoit un coup de téléphone lui annonçant que celui-ci a eu un accident et a été emmené dans une clinique. Mais, dans l’établissement de santé en question, on lui répond que son mari n’a pas été pris en charge ici et c’est toute décontenancée qu’elle repart en taxi sans se rendre compte que celui-ci ne la ramène pas chez elle.

Pendant ce temps, Charles, qui a parcouru différentes cliniques, après avoir reçu un appel au travail l’informant que sa femme avait eu un accident, revient à la maison et n’y trouve pas son épouse.

Le lendemain matin, il se rend chez son ami le détective Jacques de Villefort afin de lui demander son aide.

Rien de nouveau sous le soleil ni sous la plume de Paul Dargens avec ce récit.

On y retrouve les descriptions assez précises des personnages qu’il est l’un des rares auteurs à faire dans le monde du fascicule qui nécessite une grande concision.

L’intrigue elle-même n’a rien de bien original et mêle à la fois mystère, sentiments, vengeance, jalousie…

D’ailleurs, pour qui a lu un grand nombre de fascicules policiers de l’époque, l’impression de « déjà vu » est prégnante.

N’est-ce d’ailleurs qu’une impression ? Il faudrait que je replonge dans mes lectures pour vérifier, mais la tâche serait trop grande et ma curiosité pas assez tenace pour que je m’y attelle.

Malgré tout, sans faire dans l’original, ni par ses intrigues ni par sa plume, Paul Dargens livre toujours des textes plaisants à lire à défaut d’être enthousiasmants. Bien sûr, il faut apprécier le charme suranné des sentiments exprimés ainsi que de la plume de l’époque pour cela.

Au final, un épisode dans la lignée des précédents, plaisant à lire à défaut d’être original ou excellent.

14 avril 2024

Noces de crime

Je poursuis ma découverte des enquêtes de Lord Peter Wimsey, un personnage de lord anglais extravagant, flegmatique, drôle et qui aime fourrer son nez dans les affaires de meurtres…

Après avoir découvert le personnage et la plume de Dorothy L. Sayers (l’auteur) à travers plusieurs romans (« Lord Peter et l’inconnu », « Trop de témoins pour Lord Peter », « Le Bellona Club », « Lord Peter et l’autre »…), voilà que je me penche sur un roman plus tardif (paru 14 ans après le premier), « Noces de crime ».

Noces de crime :

Découvrir un cadavre au lendemain de sa nuit de noces, voilà qui aurait terrorisé n’importe quels jeunes mariés. Mais pas Peter Wimsey, le fameux détective amateur, ni Harriet Vane, le célèbre auteur de romans policiers ! L’énigme les passionne d’autant plus que le meurtre a été commis dans un lieu hermétiquement clos, et à l’aide d’une arme introuvable ! Qui parmi les paisibles habitants de Talboys, avait intérêt à supprimer le peu scrupuleux William Noakes ? Joe Sellon, le jeune policier que la victime fait chanter ? Aggie Twitterton, l’unique héritière du défunt ? Frank Crutchley, qui avait investi dans « l’affaire » de Noakes et voulait « récupérer sa mise » ? Ou bien…

Lord Peter Wimsey vient de se marier avec la belle Harriet Vane, auteur de romans policiers.

Lord Peter achète la propriété de Talboys, dans le village où Harriet a grandi.

Malheureusement, l’ancien propriétaire, qui devait les recevoir et leur donner les clefs n’est pas trouvable… et pour cause, on le retrouve peu après, mort dans la cave… Accident ? Meurtre ? C’est un mystère que Lord Peter va vouloir résoudre à tout prix, même celui de sa conscience.

Alors, que dire de ce roman ?

Déjà, qu’il débute par plusieurs dizaines de pages d’échanges télégraphiques pour expliquer que Lord Peter s’est marié.

C’est rébarbatif à souhait et si je ne savais pas à quoi m’attendre par la suite (c’est-à-dire de l’humour et un personnage attachant), j’aurai probablement refermé ce bouquin très rapidement.

Mais bref, j’ai poursuivi et retrouvé Lord Peter, un Lord Peter amoureux, ce qui le rend encore plus extravagant ?

C’est d’ailleurs sur la relation entre Lord Peter et Harriet, entre le couple et les différents voisins, que Dorothy L. Sayers va s’étendre, l’intrigue policière (qui avait déjà débuté très tardivement) passant au second plan voire troisième ou quatrième.

Alors, on prend tout de même plaisir à suivre les aventures de Lord Peter, mais le mystère manque un peu.

D’ailleurs, Lord Peter résout brutalement le crime et découvre l’identité de l’assassin après avoir soupçonné plusieurs protagonistes.

Mais, même une fois l’enquête résolue, le coupable arrêté, Dorothy L. Sayers n’achève pas là son roman et le lecteur doit également passer par les états d’âme de Lord Peter, la visite de la demeure familiale…

Bref, au final, un roman qui, s’il est plaisant à lire grâce à Lord Peter Wimsey, pêche par un manque d’intrigue, un manque d’enquête, et une abondance de détails sur la relation du couple. 

Pas le meilleur roman de la série, donc, d’autant qu’il débute par un chapitre indigeste et se termine par un autre sans grand intérêt…

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7 avril 2024

Le professeur Famyaloh - Yoko-Kouri

Je poursuis mon expédition au sein de la collection « Bi-Polar » chez « OXYMORON Éditions », une collection qui regroupe, deux par deux, des récits fasciculaires policiers d’un même auteur.

Les premiers opus permirent aux lecteurs de découvrir la plume d’auteurs prolifiques de la littérature fasciculaire comme Henry Musnik (sous le pseudonyme de Claude Ascain) ; H. R. Woestyn ; Marcel Priollet et Jean Daye (un autre pseudonyme de Claude Ascain).

Et comme Henry Musnik eut une des productions les plus conséquentes de la littérature fasciculaire, rien d’étonnant à le retrouver une nouvelle fois aux baguettes avec deux titres issus (comme la plupart des précédents) de la collection « Mon Roman Policier » des éditions Ferenczi comptant plus de 550 titres parus entre 1942 et 1959.

Les deux titres du jour sont composés de noms exotiques puisque le premier s’intitule « Le professeur Famyaloh » et le second « Yoko-Douri » tous deux initialement parus en 1950.

Le professeur Famyaloh :

Les inspecteurs de la Sûreté Nationale Denieux et Lemur cherchent à mettre à bas une bande d’espions dont le chef semble être le fakir Famyaloh…

Œuvrant à la fois dans les genres policier et espionnage, ce court récit de moins de 9000 mots s’inscrit dans la lignée des fascicules de l’époque et de la collection de laquelle il est issu. Intrigue simple, récit linéaire, personnages à peine esquissés, l’auteur va droit au but, n’ayant de toute façon pas le temps de broder.

Pas de suspens ou peu, une révélation en guise de fin, il faut bien avouer que l’on ne lit pas ce genre de texte pour demeurer en apnée pendant des heures, mais plutôt pour occuper un petit moment de lecture sans prise de tête.

Je ne reviendrai pas sur la plume de Claude Ascain, que j’ai longtemps trouvé un peu plate avant de me rendre compte que l’auteur s’épanouissait mieux dans les longs récits, mais qui n’est pas plus indigente que celle de la plupart des fascicules de 32 pages, car peu d’auteurs sont parvenus à s’épanouir dans ses contraintes (Charles Richebourg, J.-A. Flanigham, Maurice Lambert, René Byzance).

Pas grand-chose, non plus, à ajouter à l’histoire qui, là aussi, n’est pas pire que celles que l’on trouve usuellement dans ce genre de fascicules pour les mêmes raisons…

Yodo-Kouri :

L’inspecteur Montferrand est à la poursuite d’un dangereux criminel qui, après s’être échappé du bagne, a décidé de faire son retour en France.

Alors que ce dernier lui a plusieurs fois échappé, le policier ne voit plus qu’une seule façon de retrouver son homme : faire appel aux dons de voyance du fakir Yodo-Kouri…

Autre fascicule de 32 pages, sorti peu de temps après le précédent (le premier porte le n° 120 de la collection « Le Roman Policier », celui-ci le n° 124), autre récit centré sur un fakir…

Si le premier était tourné vers l’espionnage, celui-ci s’axe parfaitement sur le genre policier puisque l’on retrouve un inspecteur de la Sûreté qui cherche à arrêter un dangereux évadé du bagne.

Le lecteur assiste donc à une courte course poursuite (dans les environs de 9000 mots) dans laquelle, malheureusement, le lecteur s’attend au rebondissement final. M’enfin, comme dirait l’autre, on ne lit pas un fascicule de 32 pages dans l’espoir d’y trouver du suspense.

À défaut, on suit les petites mésaventures du policier sans déplaisir, même si sans surprise, et c’est déjà pas mal puisque le seul but de ces récits est d’occuper un petit moment de lecture (environ une heure) sans se prendre la tête.

Au final, petits fascicules, petit récit, petit plaisir, mais plaisir quand même…

7 avril 2024

Max Carrados

J’adore le genre policier, les personnages récurrents et les récits courts !

Vous le sauriez si vous lisiez mes chroniques en grande partie consacrées à cette triplette savoureuse.

Comme les récits courts n’ont plus cours de nos jours, voilà des années que je me plonge avec délectation dans la littérature populaire française du début du siècle dernier, l’ère du fascicule policier, qui, on va dire, s’étale entre 1910 et 1960.

Je ne dirai pas que j’ai fait le tour de la question, loin de là, mais depuis quelques semaines, j’ai décidé de m’intéresser à la même triplette, mais hors de l’Hexagone… plus précisément dans les pays anglophones (ceux qui ont le plus œuvré en la matière), Angleterre et États-Unis en tête.

Si, outre-Atlantique, les fascicules furent à la mode bien avant chez nous (c’est d’ailleurs les traductions de la série « Nick Carter » qui imposa en France le format fasciculaire), en Angleterre, ce furent plus souvent les magazines qui accueillirent les récits courts comme nous le démontre Sherlock Holmes avec le succès de ses aventures dans le « Strand Magazine ».

Et ces personnages ayant vécu de courtes enquêtes dans journaux et magazines dans les pays anglophones n’eurent pas le même destin dans nos frontières.

Très rares furent ceux à avoir du succès (on pourrait les compter presque sur un seul doigt avec Sherlock Holmes), quelques-uns eurent le droit à des traductions, mais pas à un succès pérenne (« Le vieil homme dans le coin » d’Emma Orczy ; « Raffles, cambrioleur amateur » de Ernest William Hornung – personnage qui inspira pourtant celui d’Arsène Lupin…) et la plupart n’eurent même pas les honneurs d’être découverts par les lecteurs français faute de l’intérêt d’éditeurs…

Récemment, grâce à « OXYMORON Éditions », les lecteurs d’aujourd’hui purent découvrir tardivement les enquêtes de La Machine à Penser de l’américain Jacques Futrelle (mort à bord du Titanic) ou encore celles de Lady Molly de Scotland Yard d’Emma Orczy…

Mais ces deux personnages n’étant pas les seuls qui méritaient d’être découverts par chez nous, voilà qu’un troisième enquêteur débarque et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a une particularité très particulière… puisqu’il est aveugle !

Il s’agit de Max Carrados, un personnage créé par l’anglais Ernest Bramah (1868-1942) et qui apparaît dans une vingtaine de récits courts et un roman.

Max Carrados apparaît dans la nouvelle « The Coin of Dyonisius » dans laquelle un détective privé, M. Carlyle, cherche un expert numismate afin de déterminer si une pièce est fausse ou non. Un bijoutier lui conseille alors de rendre visite à un amateur éclairé en la personne de Max Carrados.

Mais arrivé chez le bonhomme, deux surprises l’attendent. La première est que Max Carrados est aveugle et la seconde est que celui-ci le reconnaît à la voix et ils se rendent alors compte qu’ils se connaissent depuis le collège et que chacun a changé de nom à la suite de démêlés avec la justice…

D’abord sceptique face au handicap de Carrados, Carlyle va vite se rendre compte que celui-ci, bien qu’aveugle, voit bien mieux les choses grâce à ses autres sens, à son intelligence et à sa perspicacité. De plus, s’il ne voit rien, son majordome, Parkinson, est lui un fin observateur qui lui sert souvent d’yeux.

Ernest Bramah nous propose donc un détective original qui va œuvrer dans de courtes enquêtes de 7 à 8000 mots (excepté le roman, « The Bravo of London »).

On retrouve dans ces nouvelles l’ambiance du Londres de l’époque post-victorienne et celle d’un monde bouillonnant d’inventivité et d’inventions balbutiantes.

De plus, Max Carrados n’hésite jamais à jouer de son handicap pour mettre mal à l’aise, pour rire ou tout simplement pour servir ses enquêtes.

On notera qu’ici, la narration se fait à la troisième personne et qu’aucun des deux héros n’est alors le narrateur de l’histoire, contrairement à la mode lancée par John Watson avec les enquêtes de Sherlock Holmes.

Cependant, le principe du duo de personnages aux caractères opposés, mais complémentaires est ici à l’œuvre.

Car Max Carrados épaulera M. Carlyle dans ses enquêtes, lui apportant ses « lumières » et la relation amicale entre eux se renforcera de facto.

Le personnage singulier de Parkinson, homme qui voit, mais ne réfléchit pas au service d’un homme qui ne voit pas, mais réfléchit, n’est pas toujours utilisé, du moins dans les premiers épisodes et c’est un peu dommage tant ce duo-là avait un intérêt.

Malgré tout, et même si les intrigues sont forcément, du fait de la concision des textes, pas trop élaborées, l’ensemble est très plaisant à lire et le personnage de Max Carrados suffisamment attachant, de par son humour, son recul sur son handicap, sa façon d’en jouer pour mettre mal à l’aise son interlocuteur ou pour faire avancer ses enquêtes.

Au final, une petite série qui méritait d’être redécouverte et cela tombe bien, c’est ce que permettent les traductions effectuées par « OXYMORON Éditions »…

31 mars 2024

Son premier crime

Après m’être pendant des décennies consacré uniquement à la lecture de textes issus de la plume d’auteurs francophones, voilà que, depuis peu, je me plonge dans ceux provenant d’auteurs anglophones…

Et comme j’aime toujours autant la littérature d’antan, rien d’anormal à ce que, même chez les auteurs anglophones, je privilégie ceux ayant sévi au début du siècle dernier.

Aujourd’hui, c’est sur Joseph Storer Clouston que je me suis penché.

Si ce nom ne vous dit peut-être pas grand-chose, les moins jeunes ou les plus cinéphiles d’entre vous ne peuvent ignorer l’adaptation cinématographique que Marcel Carné fit d’un de ses romans en 1937.

Si je vous dis « Drôle de drame » ? Louis Jouvet ? Michel Simon ? La réplique culte « Moi j’ai dit bizarre ? Comme c’est bizarre ! »…

Hé oui, ce film n’existerait pas sans le roman qui l’a inspiré : « His first offence » de Joseph Storer Clouston.

Joseph Storer Clouston (1870-1944) était donc un écrivain britannique qui a écrit plus d’une trentaine de romans plus quelques recueils de nouvelles…

On lui doit une série de plus de 6 romans autour du personnage de Francis Mandelle-Essington alias « Le Lunatic » dont la première aventure « The Lunatic at large » fut publiée en France en 1911 sous le titre « Le Fou en liberté ».

« His first offence » eut également le droit à une sortie en France en 1922 sous le titre « La mémorable et tragique aventure de Mr. Irwin Molyneux ».

Son premier crime :

« His first offence », titre original du roman, fut adapté au cinéma en 1937 par Marcel Carné, avec Louis Jouvet et Michel Simon dans les rôles principaux.

Le film, « Drôle de Drame », demeure culte pour sa réplique « Moi, j’ai dit bizarre ? Comme c’est bizarre… »

Irwin Molyneux, obscur essayiste à l’existence calme et rangée, ne s’attendait pas, du jour au lendemain, à faire la une de tous les journaux et à accéder à une célébrité internationale.

Mais surtout, lui, homme doux, citoyen modèle, mari aimant, n’aurait jamais imaginé être chassé par un inspecteur de Scotland Yard, un reporter, un détective amateur, un ténor… pour le meurtre de son épouse.

Voilà de quoi bouleverser sa vie… et celle de Mme Molyneux…

Mr. Irwin Molyneux est un peu dans la dèche. Ce n’est pas avec ce que lui rapportent ses essais qu’il parvient à maintenir son train de vie. Et s’il a, en parallèle, écrit un roman policier à succès, il répugne à s’abaisser de nouveau à cette littérature.

Aussi, quand son cousin, l’éminent évêque Bedford, s’invite à manger chez lui à l’improviste alors que la cuisinière du couple vient de rendre son tablier, pour sauver les apparences, Mrs. Molyneux ne voit d’autre solution que de se mettre en cuisine. Mais, du coup, ne pouvant être derrière les fourneaux et tenir son rang, Mr. Molyneux prétexte un départ précipité de son épouse pour des raisons obscures qu’il a bien du mal à fournir.

L’évêque Bedford commence alors à nourrir des soupçons autour d’Irwin et insiste pour demeurer chez lui jusqu’au retour de son épouse.

Il ne reste plus qu’à Irwin Molyneux de s’éclipser sans dire au revoir à son cousin sous un prétexte quelconque…

Cette fois, l’évêque Bedford en est certain, son cousin a assassiné son épouse. Il fait appel à Scotland Yard, lançant alors les machines judiciaires et médiatiques qui vont s’emballer sous la fougue et l’imagination des divers protagonistes…

C’est donc à une affaire d’assassinat sans meurtre que nous convie J. Storer Clouston à travers les mésaventures d’Irwin Molyneux.

Les quiproquos s’enchaînent, parfois alimentés par les réactions pas toujours judicieuses des divers protagonistes, le couple Molyneux en tête, le tout sur fond d’humour très british…

Difficile, à la lecture de ce roman, de ne pas penser à « La tragique aventure du mime Properce » d’Albert Boissière, publié en 1903 en feuilleton puis en 1910 en roman…

Difficile de ne pas comparer les deux récits, les deux titres, les deux humours, même si cette comparaison penche très favorablement pour Albert Boissière, tant au niveau de l’humour, des humours dans le cas de Boissière ainsi que d’un niveau littéraire tant la plume d’Albert Boissière était savoureuse.

Pourtant, ne boudons pas notre plaisir devant cette « boutade » ou l’auteur s’amuse en amusant ses lecteurs, livrant alors des portraits savoureux des différents protagonistes, allant du notable désargenté à l’artiste se voyant héros, en passant par l’évêque guindé et le policier investi.

C’est presque à une pièce de boulevard que l’on assiste avec l’apparition et la disparition des personnages et les lieux très restreints où se déroulent les actions.

Au final, un très sympathique roman policier qui lorgne plus vers le roman d’humour…

31 mars 2024

Le crime de la 5ème avenue

Le crime de la 5ème avenue

Depuis des années, voire des décennies, je ne lis plus que des récits policiers écrits en langue française, ayant pris conscience que les traductions proposées ne sont pas toujours fidèles à la prose originale.

Cette prise de conscience résulte en partie d’un roman de J. B. Pouy, auteur de génie français, qui créa le personnage d’un libraire (propriétaire de la plus petite librairie du monde), Pierre de Gondol, qui devient enquêteur littéraire en recherchant les personnages disparus entre le roman de Jim Thompson, « Pop 1280 » et sa traduction en Français pour la « Série Noire » de Gallimard, réalisée par Marcel Duhamel, « 1275 âmes »…

Mais, pour des raisons professionnelles, je dus m’intéresser récemment aux traductions de récits policiers.

Puis je décidais de m’y replonger également par plaisir.

Malheureusement, dans un cas, comme dans l’autre, je suis obligé de constater que je ne suis toujours pas réconcilié avec les traductions.

Ce fut le cas, par exemple, des traductions des aventures d’Arthur J. Raffles, cambrioleur amateur, écrites à l’origine par Ernest William Hornung (le beau-frère de Conan Doyle), traduites en Français par Henry Evie où l’on peut constater que les textes ont perdu environ un tiers de leur taille.

Et c’est encore le cas avec le titre du jour « Le crime de la 5e avenue » de Anna Katherine Green, dont la traduction faite par René Lécuyer pour la collection « Le Masque » est loin d’être fidèle au texte d’origine.

Effectivement, là aussi, en comparant avec la version écrite par A. K. Green, on constate que les épigraphes (citations en début de chapitre) ont disparu, mais que certains chapitres voient leurs débuts ou leurs fins rognées. Un chapitre entier disparaît même entre les deux versions.

On ajoutera également que les dates présentes dans le texte original ont disparu de la fameuse traduction.

Bref, heureusement, ces lacunes sont quelque peu comblées dans la version numérique proposée par « OXYMORON Éditions ».

Pour rappel, Anna Katherine Green (1846-1935) est une femme de lettres américaine réputée pour ses romans policiers au point d’avoir été surnommée « la mère du roman policier ».

« Le crime de la 5e avenue » est paru en 1878 et met en scène pour la première fois le personnage du détective Ebenezer Gryce, que l’on retrouvera dans une douzaine de romans.

Le crime de la 5e avenue :

Qui a bien pu tuer le riche Horacio Leavenworth, abattu d’une balle de revolver dans sa bibliothèque durant la nuit ?

Les suspects semblent se limiter aux personnes habitant la demeure.

Les soupçons ne tardent pas à se porter sur Eleanore Leavenworth, une des deux nièces que le défunt avait adoptées.

M. Raymond, avocat du cabinet chargé de protéger les biens de la famille Leavenworth, décide de proposer son aide aux deux jeunes filles.

Pour ce faire, il va obtenir l’aide de l’étrange détective Ebenezer Gryce.

Mais le comportement d’Eleanore, ses silences, la disparition d’une domestique et l’apparition d’un homme mystérieux vont lui compliquer la tâche…

Le riche M. Leavenworth a été assassiné d’une balle de revolver durant la nuit. La maison ayant été bouclée par la domesticité et vu qu’aucun signe d’effraction n’est remarqué par les enquêteurs, les soupçons se portent immédiatement sur les gens présents dans la maison la nuit du meurtre. Outre les divers domestiques, on compte au nombre des suspects les deux jeunes femmes adoptées jeunes par M. Leavenworth, Mary et Eleanore, ainsi que le secrétaire du défunt, Trueman Harwell.

L’enquête ne tarde pas à pointer du doigt Eleanore, d’autant que tout semble l’accuser.

M. Raymond, avocat du cabinet gérant les affaires de M. Leavenworth, en absence de son patron, décide d’aller porter assistance aux deux jeunes femmes et de les défendre du mieux possible. Et pour cela, quoi de mieux que de trouver l’assassin.

Il sera aidé sans sa tache, à moins que ce ne soit lui qui vienne en aide, par M. Gryce, un célèbre détective aux manières curieuses.

Mais leur enquête va vite démontrer que les deux jeunes femmes cachent des secrets. Et puis, Hannah, une jeune domestique qui a disparu depuis le meurtre doit probablement détenir des informations sur l’identité de l’assassin…

Anna Katherine Green, dès son premier roman (qui fut très justement un immense succès) démontre tout son talent de plume, maîtrisant à la fois sa plume, sa narration, son intrigue, ses personnages.

Effectivement, ce roman est foisonnant, mélangeant à la fois mystère, meurtre, suspense, intrigues sentimentales, faux semblants, fausses pistes, révélation fracassante…

Sur un meurtre en apparence assez simple, A. K. Green parvient à greffer tout un tas d’évènements, de révélations et de rebondissements pour tenir en haleine le lecteur.

Ce roman, qui a pourtant plus de 150 ans, n’a presque pas souffert du temps, si ce n’est à travers un langage et des sentiments surannés.

D’ailleurs, la traduction première et primaire a probablement supprimé toute date présente dans le récit pour leurrer le lecteur de l’époque et lui faire croire qu’il lisait un roman récent alors que celui-ci avait déjà plus de 70 ans (la version « Le Masque » fut publiée en 1950).

On notera également qu’il existe une première traduction pour le compte des éditions Tallandier et sa collection « Les Romans Mystérieux » datant de 1931. J’espère que cette version est plus respectueuse du texte original.

Bref, A. K. Green tient donc en haleine le lecteur sur plus de 80000 mots et met donc en scène le détective Ebenezer Gryce pour la première fois.

Pourtant, ce personnage, s’il revient dans 11 autres romans, n’est pas le personnage principal du récit, ni dans l’intrigue ni dans l’enquête, puisque c’est M. Raymond, également narrateur du roman, qui fait tout le boulot ou presque, M. Gryce se contentant de le guider et de jouer les Hercule Poirot à la fin pour révéler l’identité du meurtrier…

On notera que M. Gryce, dans le second roman, « L’étrange disparition » tient également un rôle crucial dans l’enquête, mais secondaire dans l’histoire…

Au final, un très bon roman policier, d’autant meilleur qu’il est le premier roman de son auteur, et encore meilleur sachant que voilà presque 150 ans qu’il passionne les lecteurs…

 

24 mars 2024

La chambre N° 3

Le monde du roman policier est désormais un monde mixte où les femmes autant que les hommes (ou pas loin) trustent les premières places des meilleures ventes de livres.

Et l’on pense souvent à tort que la participation de la gent féminine à la littérature populaire en générale et policière en particulier, est, à quelques exceptions près, assez récente.

D’ailleurs, si je vous demandais de citer des femmes auteurs de polars, vous sauteriez probablement volontiers d’Agatha Christie à Fred Vargas, omettant toutes les femmes de plumes ayant précédé la première et celles ayant œuvré entre les deux.

Mais, si le monde du polar fait actuellement une part belle à la plume féminine, c’était déjà presque le cas au tout début du genre (voire avant), même si cela peut surprendre les béotiens.

Effectivement, si l’on accorde la paternité du roman policier à Émile Gaboriau (Cocorico), aidé en cela par les bases posées par Edgar Alan Poe et quelques autres, les lecteurs mettent souvent sur la ligne de départ Arthur Conan Doyle pour le succès retentissant de son œuvre et pour l’émulation que celui-ci créa.

Mais les hommes ne furent pas les seuls à se laisser influencer par les aventures du détective du 221 B Baker Street et à créer leur propre détective pour lui faire vivre des aventures courtes, sous forme de nouvelles dédiées à des journaux et des magazines ou plus longues à publier dans un format roman.

En effet, on pourrait citer la baronne Orczy (1865-1947), hongroise émigrée à Londres, et son « Le vieil homme dans un coin » (1909) ou ses enquêtes de « Lady Molly de Scotland Yard » (1910), mais, avant elle, avait déjà sévi l’Anglaise Mary Elizabeth Braddon, (1835-1915) qui dès 1860 écrivait « La trace du serpent » ou une autre anglaise, Mrs. Henry Wood (1814-1887) qui écrivit des récits autour de son détective Johnny Ludlow, ou Catherine Louisa Pirkis (1839-1910) qui, en 1893 avait développé un personnage de femme détective, Loveday Brooke, ou un peu plus tard, Dorothy L. Sayers (1893-1957) qui à partir de 1923 conta les aventures du fantasque détective amateur Lord Peter.

Mais, si on escompte donc la grande Agatha Christie (1890-1976) et Patricia Highsmith (1921-1995), il est une romancière qu’il faut mettre en avant : l’Américaine Anna Katherine Green (1846-1935).

Si son nom ne vous dit peut-être rien, sachez qu’A. K. Green fut publiée en France dès 1893 et certains de ses romans furent réédités de manière posthume dans la célèbre collection « Le Masque ».

Si A. K. Green est principalement connue pour sa douzaine de romans autour du personnage d’Ebenezer Gryce, un détective de l’Agence Pinkerton, elle n’a pas écrit que cela.

En effet, A. K. Green développa également d’autres personnages récurrents comme la vieille fouineuse Amelia Butterworth (qui apparaît parfois en compagnie de M. Gryce) ou encore Violet Strange qui apparaît dans plusieurs nouvelles.

Et, du côté des nouvelles, A. K. Green en écrivit suffisamment pour remplir 8 recueils dont le dernier « Room number 3 and others detective stories » dont « La Chambre N° 3 » est la première nouvelle.

La chambre N° 3 :

Mme Demarest est retrouvée morte dans les bois non loin de l’auberge des « Trois Fourches ».

Meurtre ? Accident ? Les théories s’opposent aussi bien entre les principaux témoins, la fille de la victime et les Quimby, le couple de tenanciers, et les hommes chargés de l’enquête, le coroner et le policier Hammersmith.

Mais comment trouver la vérité quand aucune des deux parties n’a intérêt à mentir ?

Et cette chambre tapissée de papier rose dans laquelle la jeune femme assure que sa mère a résidé alors qu’aucune pièce de l’établissement ne correspond à cette description.

Entre la folie de Mlle Demarest et la fourberie des Quimby, M. Hammersmith va devoir trancher et, pour cela, il décide de passer la nuit dans la chambre N° 3.

Mme Desmaret est retrouvée morte dans les bois aux abords de l’auberge des « Trois Fourches » tenue par le couple Quimby…

Mlle Desmaret, la fille de la défunte, assure la police qu’elle est arrivée à l’auberge avec sa mère et qu’elles ont pris chacun une chambre alors que les tenanciers affirment que Mlle Desmaret est venue seule.

Hammersmith, le policier chargé de l’enquête a tendance à croire la jeune femme alors que rien ne corrobore ses affirmations, pas même le fait que sa mère logeait dans une chambre au papier rose… aucune chambre n’est tapissée en rose.

Hammersmith décide de passer la nuit à l’auberge et choisit la chambre n° 3, un cagibi qui semble mettre mal à l’aise les Quimby.

A. K. Green nous propose ici un petit récit d’ambiance policière avec un mort, une morte, plutôt. Crime ou accident, c’est à l’enquête de le déterminer. Qui ment, qui dit la vérité. Quelles raisons pourraient pousser les uns et les autres à mentir ?

Rien de transcendant, donc, dans cette nouvelle d’un peu plus de 15000 mots, mais pourtant, celle-ci s’avère agréable à lire même si on devine très tôt qui sont les méchants de l’histoire.

On peut noter que le récit se tourne rapidement vers le genre « aventure » et que les rebondissements sont plus dirigés vers le ressort action/réaction que celui indice/révélation d’une enquête policière classique.

Au final, un petit récit policier agréable à lire à défaut d’être exaltant.

24 mars 2024

Lord Peter et l'inconnu

Après avoir découvert le plaisir de lecture avec les aventures de Sherlock Holmes de Conan Doyle, j’ai fini par me concentrer sur les récits policiers écrits en langue française pour ne pas avoir à être confronté à des problèmes de traduction.

Cette contrainte me gênait d’autant moins qu’il y a tellement d’auteurs écrivant ou ayant écrit en langue française que, même en passant mes journées à lire, je n’en ferai jamais le tour.

Pourtant, très récemment, je me suis replongé, pour des raisons professionnelles, dans la littérature anglophone.

Du coup, cela m’a donné envie de découvrir d’autres auteurs américains ou anglais, à partir de traductions datant de l’époque où ils furent publiés en France (souvent bien après leur succès original).

En me renseignant un peu sur les femmes de la littérature policière, après avoir lu et moyennement apprécié un roman d’Agatha Christie, je fus attiré par la production de Dorothy L. Sayers (1893-1957), très intrigué par sa série autour du personnage de Lord Peter Wimsey, dont la plupart des titres eurent les honneurs d’une traduction française et, pour certains, d’une publication dans la mythique collection « Le Masque ».

Et, comme il n’y a rien de mieux que de débuter une série par son premier épisode, je me suis plongé dans « Whose Body? » publié à Londres en 1923 et en France en 1939 sous le titre « Lord Peter et l’Inconnu »…

Lord Peter et l’Inconnu :

Alerté par sa mère, Lord Peter apprend qu’un cadavre nu a été découvert dans la baignoire de Mr Thipps et que c’est sur ce dernier, un architecte discret et un ami de la famille Wimsey, que pèsent les soupçons de la police. Pour tromper son ennui et secouer un peu son oisiveté, Lord Peter entreprend avec l’aide de son fidèle valet Bunter et de l’inspecteur Charles Parker de percer à jour le mystère de ce cadavre et de contrer les conclusions trop rapides de l’inspecteur Sugg chargé de l’enquête officielle.

Lord Peter, un fantasque noble aimant jouer au détective, apprend par sa mère qu’un cadavre seulement orné d’un pince-nez en or a été retrouvé dans la baignoire de M. Thipps, un ami de la famille sur qui pèsent les soupçons.

D’un autre côté, l’inspecteur Parker, ami de Lord Peter, enquête sur la disparition d’un banquier influent.

Si Lord Peter s’amuse d’avoir à s’occuper d’un corps sans nom quand son ami, lui, a un nom, mais pas le corps qui va avec, il ne tarde pas à penser que les deux affaires sont liées. Mais de quelle manière ???

Lire m’aide à m’endormir. C’est à tel point que je ne peux pas m’endormir sans avoir au préalable lu au moins une petite demi-heure.

Cette coutume a l’avantage de me faire lire tous les jours, mais pour défaut de me faire lire, parfois (souvent) alors que je me trouve dans un état de fatigue avancé.

Du coup, je me force parfois à lire même quand mes yeux papillonnent et l’on ne peut pas dire que ce soit la meilleure façon d’apprécier un ouvrage.

Et ce fut malheureusement le cas avec « Lort Peter et l’Inconnu »…

Pourtant, je dois bien reconnaître que, malgré les défauts inhérents à cette façon de lire, j’ai bien apprécié dès les premières lignes ce roman.

Déjà, parce que Lord Peter est un personnage original et attachant, de par sa fantaisie et sa relation avec son majordome.

Ensuite, parce que l’intrigue est loin d’être simpliste et qu’elle est même fort intéressante.

Enfin, parce que Dorothy L. Sayers maîtrise à la fois sa plume, sa narration, ses personnages, mais également l’humour.

Et c’est cet humour qui fait toute la différence, car il se reflète principalement par la relation entre Bunter et Lord Peter, deux personnages à que tout oppose (le statut, la hiérarchie, le caractère), mais qui sont étroitement liés et complémentaires.

Le fantasque Lord Peter est quelque peu cadré par la rigidité et le sérieux de Bunter et ce n’est pas sans raison que le premier s’appuie sur le second.

Mais l’humour n’est jamais là pour cacher des manques (comme cela peut souvent être le cas) et Dorothy L. Sayers n’oublie jamais qu’elle est d’abord là pour livrer un roman policier.

Aussi, l’intrigue est-elle travaillée et l’enquête menée parallèlement par Lord Peter et l’inspecteur Parker tient la route du début jusqu’à la fin.

Et c’est d’ailleurs à la fin, quand l’intrigue est résumée, que l’identité de l’assassin est dévoilée, que l’on appréhende réellement la teneur de l’ensemble.

Au final, un très bon roman policier, à la fois très sérieux et très drôle, qui pourra rebuter certains à cause des « Votre Seigneurie » et autres qualificatifs qui fleurent bon (ou mauvais) un autre temps, mais qui s’avère maîtrisé de bout en bout, à la fois dans la plume, l’intrigue, les personnages (surtout Lord Peter et Bunter) et l’humour.

17 mars 2024

Johnny Ludlow

Ces derniers temps, après m’être intéressé à la littérature policière fasciculaire en France au siècle dernier, je me suis penché sur la littérature policière de langue anglophone. J’ai privilégié d’abord les récits de la fin du XIXe siècle, début du XXe que ce soit aussi bien les récits courts destinés aux magazines que les romans parfois traduits en France.

Mais je me suis surtout intéressé aux femmes s’étant essayées au genre à l’époque.

J’ai découvert ainsi la plume de Anna Katherine Green à travers des romans mettant en scène le détective Ebenezer Gryce. Puis redécouvert la plume d’Emma d’Orczy à travers les enquêtes de Lady Molly de Scotland Yard.

Mais il est une femme dont je voulais découvrir la plume, c’était Ellen Price, plus connue sous le nom de Mrs. Henry Wood (1814-1887) l’une des premières femmes à s’être essayée au genre policier.

Et comme j’affectionne tout particulièrement les récits courts, je me suis lancé dans la lecture des aventures de Johnny Ludlow bien que celles-ci ne soient pas tout à fait inscrites dans le genre policier, Ellen Price mélangeant les genres (humour, jeunesse, conte, policier, mystère, fantastique…).

Johnny Ludlow est un jeune orphelin d’une quinzaine d’années qui, à la mort de son père, voit sa belle-mère, la seconde femme de celui-ci, épouser M. Todhetley qui a un fils, Joseph, alias Tod, de dix-sept ans avec lesquels il va vivre. Le couple va ensuite avoir deux enfants Hugh et Lena…

Johnny Ludlow va donc nous conter des instants de vie de lui, son frère, sa famille, que ce soit des bêtises qu’il fait avec Tod que des moments plus dramatiques comme la mort d’amis, la disparition et l’enlèvement de sa jeune demi-sœur, ou encore des tranches de vie de notables de l’époque victorienne.

Car ces petits textes ont été écrits entre 1868 et la mort d’Ellen Price pour le compte de la version britannique du magazine Argosy dont Mrs Henry Wood était la propriétaire.

En tout, 90 récits qui furent regroupés quelques années plus tard en 6 recueils… Enfin, sauf le tout premier épisode, « Shaving the ponies’ tails » dont le paragraphe de présentation de Johnny Ludlow et sa famille recomposée sera intégré au second épisode, « Losing Lena/Nous perdons Lena » qui devient du coup le premier épisode du premier recueil…

Mais ce tort est réparé dans la réédition numérique faite par « OXYMORON Éditions »« Shaving the ponies’ Tails/Couper la queue des poneys » retrouve sa position liminaire à la série…

17 mars 2024

La Brigade des 5 - Volume 6 - Les années 50

Poursuivons notre voyage dans la littérature populaire avec la collection « La Brigade des 5 » et son sixième volume consacré aux années 1950.

Pour rappel, la collection « La Brigade des 5 » propose des recueils contenant 5 récits autour de 5 personnages récurrents de la littérature populaire.

Après s’être concentré sur les premiers enquêteurs ou criminels de cette paralittérature, puis sur les premiers récurrents issus de la plume d’auteurs français, la collection traverse les décennies en commençant par les années 20, celle qui a vu l’émergence du format fasciculaire jusqu'aux années 1950 qui furent témoins de l'extinction du fascicule au profit du format poche qui fit son apparition en 1953 et qui gagna rapidement le cœur des lecteurs.

Et c'est cette ultime décennie qui est mise en avant dans ce sixième volume.

Et ce 6ème volume s'ouvre sur du lourd, du très lourd, le summum du fascicule policier.

On retrouve à la barre le commissaire Odilon Quentin, un personnage fort inspiré par Jules Maigret, mais qui apporte ici ses propres caractéristiques dont celle de laisser croire aux protagonistes qu'ils ont affaire à un type un peu benêt afin de les amadouer et de profiter qu'ils ne se méfient pas de lui pour obtenir les informations qu'il recherche.

Mais un fascicule policier n'a pas tant besoin d'un personnage fort que d'un auteur maîtrisant le genre policier et le format fasciculaire et Odilon Quentin est mené par la baguette d'un des meilleurs auteurs du diptyque "fascicule/policier" : Charles Richebourg...

Si personne ne sait désormais qui se cachait derrière ce pseudonyme et si la seule information que l'on a est qu'il signait également certains récits d'un autre pseudonyme, Désiré Charlus, une chose est certaine : l'auteur avait une qualité de plume indéniable et maîtrisait parfaitement le genre policier et le format fasciculaire.

Ainsi, chacune des 46 enquêtes menées par le commissaire Odilon Quentin est un chef d'œuvre du genre proposant à chaque fois une véritable enquête à hauteur humaine (le lecteur n'a jamais affaire à des crimes extraordinaires ou a des tueurs élaborés) menée par un policier humain.

Pas une seule faute de goût dans la carrière littéraire d'Odilon Quentin, à part, peut-être, de n'avoir pas s'être essayé au format roman. 

Du grand art !

Le second Brigadier est lui aussi inspiré de Jules Maigret dont il va jusqu'à partager le prénom : le commissaire Jules Troufflard.

Son auteur, René Byzance, est également connu pour avoir mit en scène un autre policier récurrent : Gonzague Gaveau alias Le Professeur.

René Byzance fait preuve ici, comme dans les enquêtes du Professeur, d'humour, mais Jules Troufflard est lui plus fouillé que son prédécesseur et ses enquêtes plus approfondies également.

« Le drame du Val de Cère », l'enquête du jour, est l'occasion pour l'auteur de confronter deux mondes, celui populaire de son héros, le commissaire Troufflard, à celui plus huppés des protagonistes de l'affaire. Mais c'est également l'occasion de proposer des personnages hauts en couleurs au service d'une enquête très plaisante à lire.

Et on enchaîne avec un troisième Brigadier ou une troupe de Brigadiers, puisqu'il s'agit d'une agence de détective, l'Agence Garnier et l'un des auteurs les plus performant dans le genre fascicule policier : J. A Flanigham.

De l'auteur, on ne sait rien, sauf qu'il développa plusieurs personnages récurrents, l'attachant journaliste Bill Disley, le charmant couple d'aventuriers Dick et Betty et... les membres de l'Agence Garnier.

Ces derniers n'apparurent qu'à 6 reprises, dans autant de numéro d'un magazine éphémère qui était destiné à recueillir leurs aventures.

On retrouve dans « Filles au rabais », l'enquête proposée, tout ce qui fit le talent de Flanigham : qualité de plume, art des incises de dialogues, maîtrise du genre policier...

Et même si les personnages sont un peu clichés, à l'instar du roman "Hardboiled" à l'américaine qui inspira tant l'auteur, l'ensemble s'avère très plaisant à lire.

On était dans le "Hardboiled", on y reste avec Lew Dolegan, un personnage né de la plume de Louis de la Hattais à qui l'on doit également les aventures de Jim Patterson alias Monsieur Silence.

Ici, on retrouve tout ce qui fait le genre singé (le "Hardboiled") qui inspira aussi bien Frédéric Dard et son San Antonio que Léo Malet et son Nestor Burma : un enquêteur beau gosse, qui prend des coups et en donne, des belles pépés dont certaines sont vénéneuses, de l'humour, du noir...

Rien de transcendant dans cette série plaisante à lire mais respectant un peu trop les règles du genre sans jamais les transcender.

Enfin, on clos le recueil, la décennie et le voyage dans le temps avec un voleur, cette fois-ci inspiré d'Arsène Lupin : Edward Warrency alias L'Ange.

Ce personnage né de la plume du prolifique Paul Tossel apparaît tout du long des années 50 (et depuis le milieu des années 1940) dans l'une des dernières grandes collections fasciculaires policières : « Mon Roman Policier » des éditions Ferenczi.

C'est la 23ème et dernière aventure de L'Ange qui a été sélectionnée pour clore la rétrospective : « Massacre pour trente millions ».

L'Ange est un voleur qui ne s'attaque qu'à des truands et les dépouille de leurs biens mal acquis. Il est épaulé par sa compagne la belle Diana Deel et pourchassé inlassablement par l'inspecteur Kenneth Hartling.

Du fait de la concision des récits, cette série ne propose rien de bien original et chaque épisode fonctionne sur le même principe du jeu du chat et de la souris ou du gendarme et du voleur. Cependant, l'ensemble est plaisant à lire à défaut d'être original tant par les intrigues que par la plume de l'auteur.

Et voilà, le voyage dans le temps est terminé.

On retrouvera probablement d'autres Brigadiers réunis sous d'autres caractéristiques communes que leur époque d'activités.

10 mars 2024

Lord Peter et le Bellona Club

Je poursuis ma découverte des enquêtes de Lord Peter avec « Lord Peter et le Bellona Club ».

Pour rappel, Lord Peter est un lord anglais fantasque qui aime jouer au détective. Il aide souvent son ami l’inspecteur Parker de Scotland Yard et est parfois secondé par son domestique Bunter.

Lord Peter est né de la plume de Dorothy L. Sayers (1893-1957) une romancière britannique dont une bonne partie de la production a été consacrée à ce personnage (au moins 12 romans et 23 nouvelles).

Lord Peter et le Bellona Club :

En ce soir pluvieux et glacial du 11 Novembre, lord Peter Wimsey découvre le cadavre du général Fentiman, avant d’apprendre que la sœur de celui-ci, la richissime lady Dormer, a quitté ce monde dans la matinée. Mais qui a précédé l’autre dans l’au-delà ? Une question plus importante qu’il n’y paraît, car les membres de la famille affluent pour recueillir la fortune des défunts… Notre gentleman est alors engagé pour découvrir l’heure exacte de la mort du général, détail primordial pour déterminer l’héritier de la regrettée Felicity…

Lord Peter a l’habitude de fréquenter le Bellona Club où il y retrouve parfois son ami George Fentiman.

Mais il ne s’attendait probablement pas à y retrouver mort, dans un fauteuil, le grand-père de son ami.

Pas de chance dans la famille puisque la sœur du grand-père est morte quasiment en même temps, ce qui pose un sacré problème à Fentiman, car celle-ci a légué sa fortune à son frère au cas où elle mourait avant lui, mais l’argent irait à une de ses protégées si son frère venait à mourir avant elle.

Pour savoir à qui la fortune ira, à la protégée de la sœur ou au fils et aux petits-fils du frère, encore faut-il déterminer l’heure du décès du grand-père Fentiman, ce que Lord Peter va tâcher de faire.

Je retrouve donc Lord Peter pour la 3e fois, même si, je crois, cet épisode est le 4e et, autant le dire tout de suite, la rencontre est tout aussi plaisante que les précédentes.

Si l’intrigue est moins échevelée que dans les autres épisodes lus, elle n’en est pas moins plaisante, aidée en cela par un texte un peu plus concis.

On constate que le traducteur a probablement changé, puisque les termes de noblesse usités ne sont plus les mêmes. Mais je ne vais pas revenir sur ma marotte du « Traduttore, traditore » que j’ai déjà abordée de nombreuses fois.

On retrouve l’humour de Dorothy L. Sayers, son désir d’égratigner la noblesse anglaise, le côté fantasque de son héros, même si on peut regretter la moindre présence de Bunter, qui par son caractère opposé à celui de son maître apporte une touche d’humour supplémentaire.

L’intrigue est à la fois simple et compliquée puisque Lord Peter va devoir faire avec plusieurs suspects, certains non-dits et rebondissement avant de trouver la solution de l’énigme.

Que dire de plus sur ce roman si ce n’est que Lord Peter est vraiment un personnage à redécouvrir et que les récits le mettant en scène sont toujours savoureux ? Rien, donc…

Au final, un roman très agréable à lire, comme les épisodes précédents.

3 mars 2024

Une étrange disparition

 

Quand on évoque le terme de « Reine du polar », tout le monde pense immédiatement à Agatha Christie, la mère d’Hercule Poirot, dont l’immense succès ne s’est jamais tari depuis près d’un siècle.

Mais Agatha Christie est probablement l’arbre qui cache la forêt, car beaucoup ignorent encore que les femmes de lettres s’essayèrent très tôt à la littérature policière, dès ses débuts, en fait.

Car, si on admet que « L’affaire Lerouge » d’Émile Gaboriau est le premier roman policier de la littérature, considéré ainsi de par la forme narrative créée par l’auteur afin de développer une histoire d’enquête autour d’un meurtre initialement écrit sous forme de feuilleton pour un journal, il faut alors également admettre que la gent féminine avait esquissé le genre peu de temps avant le Maître du polar.

Effectivement, Mary Elizabeth Braddon, dès 1860, avec « La trace du serpent », développe une trame policière et emploie comme héros un détective.

D’autres femmes s’engouffreront également dans la brèche comme Catherine Louisa Pirkis, Emma Orczy, et plus tard Dorothy L. Sayers.

Et, autre femme à se lancer dans l’aventure : Anna Katherine Green, dont les rééditions de ses romans firent les beaux jours de la mythique collection « Le Masque ».

Anna Katherine Green (1846 -1935) consacra quasi entièrement sa plume au genre policier et dès son premier roman « The Leavenworth case/Le crime de la 5e avenue », elle crée un policier de l’Agence Pinkerton : M. Ebenezer Gryce.

Celui-ci apparaîtra dans une douzaine de romans, soit en tant que personnage principal soit en tant que personnage secondaire comme le démontre la seconde enquête de la série « Une étrange disparition » où M. Gryce, bien que présent, cède le devant de la scène à son jeune subordonné Sharp.

UNE ÉTRANGE DISPARITION

Quand la femme de charge du richissime M. Blake débarque dans l’Agence Pinkerton de New York afin de signaler l’enlèvement de la lingère de son maître, M. Gryce, le célèbre détective, confie les premières investigations à son jeune subordonné, M. Sharp.

Les indices par lui récoltés tendent à démontrer que l’affaire est bien plus mystérieuse qu’il n’y paraît. Entre une domestique dont tout indique qu’elle provient d’un milieu favorisé, un M. Blake désabusé, une cliente qui dissimule des informations, Sharp va s’engager corps et âme pour découvrir la vérité sur cette étrange disparition, autour de laquelle tout le monde semble avoir quelque chose à cacher…

La femme de charge du riche M. Blake débarque à l’Agence Pinkerton de New York pour signaler la disparition de la lingère de son maître.

Le célèbre détective Gryce envoie son jeune subalterne, M. Sharp pour mener les premières investigations. M. Sharp, déjà surpris que la femme de charge ait décidé de payer l’agence avec ses propres deniers, l’est encore plus de constater qu’il doit se cacher de M. Blake pour se rendre dans la chambre de la lingère. Mais sa surprise augmente en constatant le luxe de ladite chambre ainsi que de certains vêtements et les divers signes ostentatoires d’une certaine éducation. De plus, une large tache de sang tend à démontrer que la disparition de la jeune femme s’est faite contre sa volonté.

M. Gryce, appelé en renfort, ne tarde pas à laisser les commandes de l’enquête à Sharp qui va s’évertuer à démontrer à son supérieur qu’il mérite toute sa confiance. Il ne se doute pas, alors, de la complexité du dossier qui lui a été confié.

Que dire de ce roman qui date de 1878 ?

Déjà, qu’il n’a pas trop souffert du temps.

Certes, on a le droit à une certaine noblesse qui n’a plus cours de nos jours, mais, dans l’ensemble, à part d’évoquer une diligence, un trajet à cheval… on n’est pas sans cesse ramené il y a un siècle et demi par les évènements.

Ensuite, que le roman débute plutôt agréablement et mystérieusement avec cette étrange disparition et, surtout, le comportement tout aussi étrange de M. Blake et de la femme de charge.

On pourra regretter, ou pas, que la suite du roman se disperse dans un genre plus aventurier, ou, à d’autres moments, plus sentimental, deux genres plus coutumiers de l’époque, mais on ne peut pas trop en demander.

On peut aussi goûter moyennement la très longue confession de M. Blake même si celle-ci permet d’appréhender mieux l’ensemble de l’histoire (mais, là aussi, c’est un procédé très utilisé jusque dans les années 1950).

Pourtant, malgré cela (ou grâce à cela pour les nostalgiques de la littérature de l’époque), ce roman s’avère très agréable à lire, du fait d’une parfaite maîtrise de la plume (même s’il s’agit d’une traduction) de la narration et de l’histoire.

Au final, un bon roman policier qui n'a pas trop vieilli même s'il date, pourtant, de l'époque des prémices du genre.

3 mars 2024

Trop de témoins pour Lord Peter

J’ai découvert très récemment la plume de Dorothy L. Sayers (1893-1957), une femme de lettre anglaise principalement connue pour sa production policière et encore plus spécifiquement pour son personnage récurrent de Lord Peter, un lord fantasque aimant jouer au détective.

Comme j’ai beaucoup apprécié le premier titre de la série, « Lord Peter et l’inconnu », je me suis immédiatement plongé dans le second opus, « Trop de témoins pour Lord Peter » publié en 1926 (3 ans après le premier).

Pour rappel, Dorothy L. Sayers, est une femme de la bourgeoisie anglaise ayant séjourné en France où elle lut les aventures d’Arsène Lupin, ce qui lui donna envie d’écrire des romans policiers.

Lord Peter apparaîtra dans une douzaine de romans et une vingtaine de nouvelles…

Trop de témoins pour Lord Peter :

Lord Peter fait escale à Paris après des vacances en Corse. Il y apprend que le capitaine Denis Cathcart, fiancé de sa sœur Mary, a été tué par balles près de la loge de tir de la famille Wimsey et que le Duc de Denver, son propre frère, est accusé du meurtre. Plusieurs témoins confirment que les deux hommes s’étaient querellés à propos d’une missive qui révélait que le capitaine avait eu, à Paris, des démêlés avec la justice française pour avoir triché aux cartes lors de réunions mondaines. Lord Peter regagne l’Angleterre,…

Son futur beau-frère assassiné, son frère soupçonné du meurtre, il n’y avait rien de tel pour inciter Lord Peter à fourrer son nez dans une nouvelle affaire policière, toujours avec la même fougue et le même humour et, aussi, son ami l’inspecteur Parker et son fidèle serviteur Bunter.

On retrouve donc les mêmes personnages que dans le premier opus, c’est-à-dire Lord Peter, son domestique Bunter et son ami l’inspecteur Parker.

On fait un peu plus connaissance, cette fois-ci, avec la famille du héros, même si on avait déjà entraperçu la mère dans le premier épisode.

On rencontre donc la sœur et le frère de Lord Peter et on se rend vite compte qu’il est né dans une famille dysfonctionnelle, ce qui explique peut-être son comportement fantasque.

Dorothy Sayers, même s’il semble évident qu’elle apprécie railler les travers de la noblesse anglaise, et si elle sait faire preuve d’humour, n’en oublie pas pour autant qu’elle doit proposer une véritable enquête et elle va donc s’évertuer à perdre le lecteur et son héros à travers des mensonges, des non-dits, mais également à faire vivre à Lord Peter de véritables aventures rocambolesques, notamment quand il s’agit de récupérer la preuve de l’innocence de son frère.

On appréciera (ou pas) les alternances de systèmes narratifs, avec, notamment, des moments de procès (un peu rébarbatifs à mon sens) ainsi que des genres avec, donc, les moments de pure enquête et ceux d’aventures.

Toujours est-il, qu'au final, ce roman se lit avec tout autant de plaisir, ce qui incite à plonger immédiatement dans un épisode suivant, ce que je vais faire de ce pas...

 

25 février 2024

La Brigade des 5 - Volume 5 - Les années 40

Poursuivons notre voyage dans la littérature populaire avec la collection « La Brigade des 5 » et son cinquième volume consacré aux années 1940.

Pour rappel, la collection « La Brigade des 5 » propose des recueils contenant 5 récits autour de 5 personnages récurrents de la littérature populaire.

Après s’être concentré sur les premiers enquêteurs ou criminels de cette paralittérature, des personnages tous issus de pays anglo-saxons (Sherlock Holmes, Arthur J. Raffles, Le vieil homme dans le coin, La Machine à Penser ou encore Nick Carter), puis sur les premiers récurrents issus de la plume d’auteurs français (Arsène Lupin, Toto Fouinard, Allan Dickson, Florac et La Glu ou encore Marc Jordan), la collection traverse les décennies en commençant par les années 20, celle qui a vu l’émergence du format fasciculaire notamment avec la collection « Le Roman Policier » des éditions Ferenczi qui, entre 1916 et 1927 proposa plus de 200 titres à ses lecteurs.

Après avoir mis en avant cette décennie fondatrice de la littérature populaire policière fasciculaire, « La Brigade des 5 » dévoile les décennies suivantes.

Et c’est des années 1940 qu’il est question dans ce volume 5.

Le volume commence avec du lourd, l’un des auteurs qui maîtrisaient le mieux le format fasciculaire et le genre policier : Maurice Lambert alias Géo Duvic.

En effet, rares sont les écrivains à être parvenu à exceller à ce point dans le monde du fascicule policier.

Et Maurice Lambert n’y est pas parvenu une fois, ni quelques fois, mais quasiment dans chacun de ses récits et ce quelque soit le personnage développé.

C’est de la « Collection Rouge » des éditions Janicot que nous parvient le premier « Brigadier » : l’inspecteur Machard.

Encore une fois, du fait de la concision du format, les personnages ne sont pas très développés, mais pour ce qui est du reste, le lecteur découvre toutes les caractéristiques d’un très bon roman policier.

Vient ensuite un autre auteur performant bien qu’ignoré : René Byzance.

Contrairement à son prédécesseur, l’auteur décide de privilégier son personnage à son intrigue et créé pour l’occasion « Le Professeur », Gonzague Gaveau, un inspecteur de Police qui doit son surnom pour avoir fait La Sorbonne.

L’intrigue n’est certes pas l’intérêt principal de ce récit, mais René Byzance et Gonzague Gaveau font preuve d’un humour assez rare dans ce format à cette époque.

Ce n’est pas un brigadier, mais deux qui prennent la relève puisque le prochain auteur, Marcel Priollet, nous propose un duo d’enquêteurs : Old Jeep et Marcassin. Le premier est un policier américain venu en France pour étudier la façon de faire de ses homologues de l’Hexagone. Le second est un commissaire de police français. Le premier est jeune, bien éduqué, beau, flegmatique. Le second est plus vieux, plus bourru, plus réactif…

Bref, Marcel Priollet nous propose les prémices du « Buddy Movie », mais sur papier et dans un format fasciculaire.

Le quatrième brigadier est Stan Kipper, un détective né de la plume de Léon Groc et qui vécut 8 enquêtes regroupées à l’origine dans une collection fasciculaire éponyme.

Et on découvre ici le personnage à travers sa troisième enquête, « La momie qui tue ».

Si Stan Kipper n’a rien de très original, ses aventures n’en demeurent pas moins plaisantes à lire, grâce, notamment à la plume alerte de son auteur.

Enfin, on clôt ce recueil avec un autre détective, Francis Bayard, né de la plume de Jean des Marchenelles.

Le parcours de Francis Bayard est plus chaotique puisqu’il œuvra aussi bien dans le monde du fascicule (une quinzaine d’enquêtes) que dans quelques romans.

L’humour ne manque pas dans les aventures de Francis Bayard et l’auteur le démontre dans cet épisode en se mettant en scène aux côtés de son héros.

Dans « La morte en robe blanche », le titre sélectionné pour le recueil, Jean des Marchenelles démontre qu’il maîtrisait à la fois le genre policier, l’humour, la narration et le format fasciculaire.

En effet, malgré la concision du texte, tous les éléments d’un bon roman policier sont présents pour le plus grand plaisir des lecteurs.

Au final, les années 1940 furent probablement celles qui délivra le plus grand nombre de fascicules policiers de qualité, notamment grâce à des auteurs qui maîtrisaient de mieux en mieux les éléments inhérents au genre et au format.

5 personnages ont été sélectionnés pour ce recueil, mais on aurait pu en proposer 10 ; 15 ; 20, tant la décennie fut riche en la matière.

18 février 2024

Lady Molly de Scotland Yard de Emma d'Orczy

Après avoir tant fouillé la littérature populaire française à la recherche de personnages récurrents, il m’arrive, de temps en temps, d’aller voir du côté de nos amis d’outre-Manche ou d’outre-Atlantique pour y dénicher un héros ou une héroïne intéressants apparus dans les récits courts du siècle dernier, voire du siècle précédent.

Je n’évoquerai pas Sherlock Holmes, que tout le monde connaît et que j’ai découvert fort jeune (c’est même lui qui me donna le goût de la lecture).

D’abord, parce qu’il n’y a aucun intérêt à tenter de vous le faire découvrir puisque c’est sûrement déjà fait.

Je me suis d’abord penché sur « La Machine à Penser/The Thinking Machine » de l’écrivain américain Jacques Futrelle.

Puis, récemment, sur Arthur J. Raffles du Britannique Ernest William Hornung, beau-frère de Conan Doyle.

Ayant découvert l’existence de l’une des toutes premières femmes enquêtrices de la littérature populaire, Lady Molly de Scotland Yard, dont les aventures furent écrites par la baronne Emma d’Orczy, j’eus envie de faire la connaissance de cette dame.

C’est désormais chose faite grâce à la numérisation de ses aventures par « OXYMORON Éditions ».

Pour ce faire, il a fallu à l’éditeur opérer une traduction (comme il fit avec les textes de Jacques Futrelle), car, très étrangement, Lady Molly n’avait jamais eu, jusqu’ici, les honneurs d’une traduction en français. C’est désormais chose faite.

Pourtant, le personnage dû avoir un certain succès puisque, tout comme celui du professeur Augustus S.F.X. Van Dusen alias La Machine à Penser, une de ses aventures « The woman in the big hat » eut le droit à une adaptation pour la série T.V. anglaise « The Rivals of Sherlock Holmes » dans les années 1970. Elle apparaît même dans la première saison alors que La Machine à Penser dû attendre la seconde pour faire son apparition.

Pour rappel, la baronne Emma d’Orczy (1865-1947) est d’origine hongroise. Sa famille fuit les révoltes paysannes et part s’installer en Belgique puis en France et enfin en Angleterre.

Désargentés, elle et son mari se lancent dans la traduction avant qu’Emma ne se mette à écrire. D’abord un roman sans succès, puis de courts récits policiers destinés à des magazines.

Elle sera plus tard reconnue grâce à ses romans de la série « Le Mouron Rouge », au départ adapté d’une pièce écrite par elle et son mari.

On a pu découvrir la plume policière d’Emma d’Orczy, en France, par l’intermédiaire des traductions de Jean-Joseph Renaud des récits d’un autre personnage récurrent, « Le vieil homme dans le coin/The old man in the corner ».

C’est désormais le cas avec les aventures de « Lady Molly de Scotland Yard ».

Contrairement à ce que je fais usuellement, je ne vais pas m’attarder sur chaque volume de la série, préférant l’aborder dans son intégralité, car les récits sont courts, voire très courts (environ 7 000 mots) et que chaque volume comporte deux des douze épisodes que compte la série.

Ensuite, parce que, un peu comme pour les aventures du vieil homme dans le coin, le procédé d’écriture, de narration, le principe, donc, des récits, est toujours le même (bien que moins rendondant que chez le vieil homme).

Lady Molly est une jeune femme qui travaille régulièrement pour Scotland Yard, quand, dans une affaire, les inspecteurs du Yard piétinent, leur chef finit par demander l’aide de Lady Molly.

Celle-ci est toujours accompagnée de son amie Mary, qui est également son historiographe (comme Watson pour Sherlock Holmes, le journaliste Hutch pour La Machine à Penser ou Bunny pour Arthur J. Raffles).

Chaque histoire débute par l’exposition du problème par Mary. Cette exposition s’étend même sur la plus grande partie du récit.

Puis Lady Molly apparaît, intervient et en quelques lignes parvient à résoudre le mystère grâce à sa connaissance de l’âme humaine et à son intuition toute féminine.

Pas de grands suspens, donc, dans ces récits (pas la place, de toute façon) et on comprend que le principe est donc le même que pour les aventures du vieil homme dans le coin.

Sauf que le personnage de Lady Molly, s’il moins original (à part dans le fait que c’est une femme) que celui du vieil homme, est éminemment plus sympathique et que la narration, du fait de l’amitié entre la narratrice et l’actrice principale est plus fluide que celle des aventures du vieil homme narrées par une journaliste n’ayant aucun lien avec le personnage.

Emma d’orczy nous réservera-t-elle, dans la dernière aventure de Lady Molly, une surprise semblable à celle qu’elle offrit dans l’ultime récit mettant en scène le vieil homme ? Il y a peu de chances, mais je vous laisserai le découvrir par vous-même.

Bien que les récits soient courts et fonctionnent sur le même procédé que ceux autour du vieil homme à la cordelette, je trouve ceux mettant en scène Lady Molly plus agréables, plus fluides, plus plaisants à lire.

On appréciera (ou pas) que la traduction s’attache, comme pour celles des aventures de The Thinking Machine, à être le plus proche possible du texte original, le traducteur cherchant le moins possible à mettre son grain de sel sur la plume d’Emma d’Orczy.

Le lecteur se retrouve alors face à de courts textes dont l’intrigue s’attache bien souvent à la Gentry britannique (même ou surtout, à l’époque, les crimes dans les milieux modestes n’intéressaient personne sauf s’ils étaient extrêmement sanglants).

Dans la plupart des enquêtes, Lady Molly se contente d’étudier la personnalité des protagonistes et grâce à sa perspicacité et sa connaissance de l’âme humaine, elle trouve soit l’indice permettant de résoudre l’affaire soit le moyen de faire avouer le coupable.

Pas de grands suspens, donc, mais juste de petits récits agréables à lire et ayant pour originalité, pour l’époque, de mettre une femme sur le devant de la scène.

Au final, douze petits récits mettant en scène l’une des premières femmes détectives de la littérature populaire qui propose chacun un petit moment de lecture agréable. On ne peut guère en demander plus dans ce format contraignant…

4 février 2024

Le meurtre de Roger Ackroyd d'Agatha Christie

Je ne me rappelle pas avoir jamais lu un roman d’Agatha Christie, crime de lèse-majesté pour un passionné de romans policiers tel que moi, surtout un fan absolu de la littérature populaire du début du siècle dernier.

Oui, mais voilà, après avoir dévoré tous les Sherlock Holmes du Canon ou même hors Canon, j’ai fini par me concentrer sur la littérature de langue francophone à cause des nombreux problèmes de traductions des œuvres originales.

Mais, si je suis toujours réticent à livre un texte traduit et si je constate toujours des problèmes de traductions sur certaines œuvres, j’ai fini, lentement, par me replonger de temps en temps, malgré tout, dans des traductions.

Commençant par des récits courts pour des raisons professionnelles, j’ai décidé de laisser une chance à un roman. Lequel ? Tant qu’à faire celui de la Reine du roman policier : Agatha Christie.

Et dans sa production, j’ai porté mon choix sur un de ses romans les plus plébiscités en évitant ceux dont je connaissais l’histoire par l’intermédiaire d’adaptations cinématographiques (« Les dix petits nègres, « Meurtre sur le Nil », « Le crime de l’Orient-Express »).

Du coup, ce fut « Le meurtre de Roger Ackroyd » qui emporta la timbale.

Le meurtre de Roger Ackroyd :

Cela fait tout juste un an que le mari de Mrs Ferrars est mort. D’une gastrite aiguë. Enfin, c’est ce qu’il semble. Après tout, les symptômes de l’empoisonnement par l’arsenic sont presque les mêmes… Hier, Mrs Ferrars est morte à son tour. Une trop forte dose de véronal. Suicide ? Allons donc ! Elle était encore jeune et très riche… Et puis, aujourd’hui, Mr Ackroyd a été assassiné. Cette fois, le doute n’est pas permis. Mais pourquoi ? Bien sûr, Mrs Ferrars et Mr Ackroyd paraissaient fort bien s’entendre. Surtout depuis la mort du mari. Mais de là à dire… Non, ce n’est pas possible… En tout cas, ce n’est pas si simple…

Le riche Roger Ackroyd est retrouvé assassiné d’un coup de couteau dans son bureau après que son médecin, qui venait de le quitter en début de soirée, ait reçu un appel téléphonique pour lui signifier le crime. Le médecin, après s’être précipité chez son patient, ne peut que constater la véracité de l’information.

Miss Ackroyd décide de faire appel à un nouveau venu dans le village, un homme venu y passer sa retraire, mais bien connu pour ses talents d’enquêteur : Hercule Poirot.

On retrouve donc Hercule Poirot dans ce roman, un Hercule Poirot qui a pris sa retraite et qui en sort pour enquêter sur le meurtre de Roger Ackroyd.

Pourtant, tout porte à croire que l’on connaît le coupable, un membre de la famille qui avait des raisons d’en vouloir à la victime et qui a disparu depuis le meurtre.

Il sera secondé par le médecin témoin qui se révèle être également le narrateur de l’histoire.

Je serai tenté de dire que l’on se trouve ici face à un classique, du moins un roman qui regroupe tout ce qui est devenu classique dans le roman policier depuis.

Hercule Poirot, donc, le système de « Whodunit » cher à Agatha Christie avec la scène finale (ou presque finale) où l’enquêteur regroupe dans la même pièce tous les suspects pour conter comment il a découvert le coupable avant de donner son nom, les rebondissements, les fausses pistes…

Classique jusque dans l’écriture… du traducteur, ne pouvant en dire plus sur la plume d’Agatha Christie, n’ayant pas comparé le texte avec la version originale.

Hercule Poirot se révèle presque égal à lui-même (du moins ce qu’on en dit ou ce que l’on en a fait à l’écran), voire même bien plus sage et moins égocentrique que je ne l’aurai pensé.

L’intrigue fonctionne sur un principe qui ne vaut que pour l’époque dans laquelle elle se déroule, mais qui se devine un peu avant que Poirot ne révèle le subterfuge.

L’ultime rebondissement est un peu convenu, du moins très utilisé depuis…

Je dois avouer que j’ai eu un peu de mal à m’immerger dans ce roman, probablement du fait que je l’ai lu dans de mauvaises conditions et que c’est probablement la raison qui fait que mon ressenti est un peu mitigé.

Malgré tout, je suis allé au bout de l’histoire, ce qui prouve que j’ai tout de même apprécié à minima, mais pas tant que ne le pensais.

Il faudra donc que je redonne un jour une autre chance à Agatha…

Au final, un roman policier classique, mais qui ne m’a pas procuré le plaisir de lecture que j’escomptais.

28 janvier 2024

La Brigade des 5 - Volume 4 - Les années 30

Poursuivons notre voyage dans la littérature populaire avec la collection « La Brigade des 5 » et son quatrième volume consacré aux années 1930.

Pour rappel, la collection « La Brigade des 5 » propose des recueils contenant 5 récits autour de 5 personnages récurrents de la littérature populaire.

Après s’être concentré sur les premiers enquêteurs ou criminels de cette paralittérature, des personnages tous issus de pays anglo-saxons (Sherlock Holmes, Arthur J. Raffles, Le vieil homme dans le coin, La Machine à Penser ou encore Nick Carter), puis sur les premiers récurrents issus de la plume d’auteurs français (Arsène Lupin, Toto Fouinard, Allan Dickson, Florac et La Glu ou encore Marc Jordan), la collection traverse les décennies en commençant par les années 20, celle qui a vu l’émergence du format fasciculaire notamment avec la collection « Le Roman Policier » des éditions Ferenczi qui, entre 1916 et 1927 proposa plus de 200 titres à ses lecteurs.

Après avoir mis en avant cette décennie fondatrice de la littérature populaire policière fasciculaire, « La Brigade des 5 » dévoile, maintenant les années 1930.

Et c’est au travers de diverses collections, divers médias, divers éditeurs que le lecteur va faire la découverte des années 30.

C’est Marius Pégomas, le détective marseillais de Pierre Yrondy qui ouvre le bal.

Ce personnage fantasque vécut plus d’une trentaine d’aventures réunie dans une collection éponyme publiée en 1936.

Pierre Yrondy est un auteur énigmatique même si on trouve des informations sur son Wikipédia, mais des informations qui me semblent bien erronées et proviennent probablement d’un homonyme.

Les aventures de Marius Pégomas se révèlent drôles et sont absolument à découvrir.

Rien d’étonnant qu’un des « Brigadiers » provienne d’une collection des éditions Ferenczi : « Police et Mystère », une collection de fascicules de 64 pages dont une bonne partie des premiers titres sont des rééditions allongées de récits de la collection « Le Roman Policier » du même éditeur.

Et ce deuxième héros sera donc l’inspecteur Girard, d’André Charpentier, dont une bonne partie des aventures furent publiées dans les collections « Police et Mystère » et « Police ».

Si le personnage n’est pas très développé, la faute à la concision des récits, il est par contre très souvent confronté à des crimes très mystérieux, voire impossibles, avec quelques crimes en chambre close.

André Charpentier, lui, était un journaliste écrivain, spécialisé dans les récits fasculaires policiers et les récits jeunesse. On lui doit également « Le disciple de Loufock Holmes », un hommage au personnage de Cami.

Vient ensuite un enquêteur protéiforme : l’inspecteur Grey d’Alfred Gragnon. Ce policier débuta sur les planches, dans une pièce écrite par Alfred Gragnon, puis dans plusieurs adaptations cinématographiques, avant de le retrouver dans de courtes enquêtes dans un magazine jeunesse (d’où est tiré le récit proposé) avant de revenir sur les planches (la pièce de théâtre est encore régulièrement jouée de nos jours).

Restons dans les magazines pour découvrir M. Dupont, un détective né de la plume de José Moselli, un auteur dont l’entièreté de l’immense production fut destinée à des magazines jeunesse.

L’enquête proposée permet aux lecteurs de découvrir M. Dupont, mais aussi la plume de Moselli.

Et, pour finir, c’est un autre détective, mais un détective particulier puisqu’il est aussi radiesthésiste. C’est Claude Prince, né de la plume de l’écrivain Marcel Priollet.

Marcel Priollet fut également un écrivain prolifique de la littérature fasciculaire principalement policière, mais aussi sentimentale.

Quant à Claude Prince, la concision des récits fait que son don lui sert plus à résoudre rapidement ses enquêtes qu’à autre chose.

Voilà pour les années 1930.

Au final, un volume qui tente d’être représentatif de tous les divers supports qui permettaient à l’époque aux lecteurs de lire de courts récits.

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