La Machine à Penser - Tome 0
Dans l’esprit des lecteurs férus de récits policiers, le personnage ultime de l’enquêteur est indéniablement décerné à l’un des tout premiers : Sherlock Holmes de Conan Doyle.
Avant lui, on notera le chevalier Dupin d’Edgar Alan Poe, M. Lecoq d’Émile Gaboriau.
Mais, si Sherlock Holmes fut très largement inspiré de Maximillien Heller d’Henry Cauvain, il inspira surtout de nombreux personnages.
Et, s’il ne fut pas une source d’inspiration directe, il ouvrit néanmoins la voie à des investigateurs de tous poils, des plus classiques aux plus atypiques qui n’ont pourtant jamais réussi à le remplacer dans le cœur des lecteurs.
Cependant, un enquêteur américain aurait pu réussir cet exploit si son créateur n’était pas mort prématurément.
Le personnage auquel je pense se nomme le professeur Augustus S. F. X Van Dusen, surnommé La Machine à Penser (« The Thinking Machine » en version originale).
Il fut à Jacques Futrelle (son créateur) ce qu’Holmes fut à Conan Doyle.
Jacques Futrelle est donc (était) un auteur américain né en 1875 et mort tragiquement en 1912 à bord du Titanic, bateau qui le ramenait, avec son épouse, d’Europe où il venait de faire une tournée pour trouver des éditeurs afin de faire publier ses récits par chez nous.
Dans sa bibliographie, quelques romans policiers et, surtout, des enquêtes de La Machine à Penser (une cinquantaine).
Lors du naufrage, May Futrelle (la femme de l’écrivain et écrivain elle-même) parvint à sauver une partie des textes que son mari avait écrits durant le voyage, dont une demi-douzaine d’enquêtes de La Machine à Penser.
Si les aventures du Professeur Augustus Van Dusen eurent un grand succès dans son pays, tout le monde s’accorde à dire que si Jacques Futrelle avait vécu plus longtemps, nul doute que son personnage aurait atteint la célébrité de son compère anglais.
En Europe, le personnage est moins connu même si des traductions virent le jour en Italie, en Allemagne…
En France, par contre, ce fut le néant presque complet. Quelques traductions virent le jour, sans demeurer dans les esprits. La plupart restèrent inaccessibles aux lecteurs de l’hexagone (excepté ceux parlant couramment l’anglais).
Mais depuis peu, les enquêtes de La Machine à Penser sont traduites et présentées aux lecteurs sous forme de tomes (la plupart des récits sont courts) et c’est alors l’occasion de découvrir enfin le personnage près de 120 ans après sa création.
Le « Tome 0 » de ces recueils regroupent trois courts récits présentant le personnage auquel les lecteurs vont rapidement s’attacher.
Tout d’abord, « La Machine à Penser », explique comment le Professeur Augustus Van Dusen gagna son surnom en même temps qu’une partie d’échecs face à un champion alors que la veille le scientifique ne connaissait même pas les règles du jeu.
« Ma première rencontre avec le grand logicien » nous conte la façon dont le professeur Augustus Van Dusen fit la connaissance du journaliste Hutchinson Hach, qui sera son partenaire dans toutes les enquêtes à suivre. Le reporter est en effet l’homme qui apporte la plupart du temps les problèmes à résoudre au professeur et il est surtout les bras et les jambes du cerveau que représente La Machine à Penser. Il obéit aux injonctions du scientifique qui l’envoie chercher les indices ou interroger les témoins, lui permettant ainsi, souvent de résoudre les enquêtes depuis ses appartements sans même avoir à se déplacer.
Cette première rencontre est marquante pour le journaliste puisque le scientifique lui sauva la vie.
« Le premier problème » conte la toute première enquête criminelle que La Machine à Penser résolut, celle de la disparition mystérieuse d’une actrice sur une scène de théâtre…
Ce premier tome est indéniablement là pour présenter le personnage et, si l’on sent le potentiel de celui-ci, l’auteur ne l’exploite pas encore.
Il faut avouer que, bien que tome liminaire, les aventures le composant n’ont pas été les premières écrites. Mais celles-ci permettent de faire mieux connaissance avec La Machine à Penser avant de se lancer dans une série d’enquêtes plus complexes…
Rien de transcendant, donc, dans ces courts récits, mais une première rencontre prometteuse et l’on a hâte de découvrir le personnage dans des énigmes à sa hauteur.
Au final, un premier tome qui permet de faire la connaissance d’un personnage mythique, mais malheureusement totalement inconnu en France. Avec des récits courts et des problèmes assez simples à résoudre, ce tome laisse présager du très bon à venir, en présentant ce personnage très atypique.
Un innocent coupable
Au début, il y a fort fort longtemps, je me suis mis à l’écriture pour m’occuper, car c’est une activité qui ne nécessitait qu’un stylo et des feuilles.
Puis je me suis mis à écrire par obligation, me mettant dans la peau d’un écrivain torturé qui écrit avec son sang et qui ne vit que par et pour sa plume.
Devant l’insuccès de la démarche, peut-être de la piètre qualité de mes écrits, je me suis vidé lentement de mon encre.
Des années plus tard, je suis revenu à l’écriture par plaisir et, depuis, ce plaisir n’a cessé d’être croissant même si l’espoir que ce plaisir se transmette au plus grand nombre était toujours présent.
Depuis, je continue à écrire et les romans s’enchaînent bien, sans que le but premier, ni le second ou le troisième soient de toucher un public large.
J’écris parce que j’y prends du plaisir et puis c’est tout.
À partir de là, j’écris exactement ce que je veux sans me soucier de l’aspect commercial du résultat final.
Cela ne veut pas dire que la qualité du texte en pâtisse, si je n’ai pas l’ambition d’avoir du succès, j’ai toujours celui de proposer le meilleur roman possible, c’est juste que je n’ai pas à lisser ma plume, à user des artifices les plus usités pour combler une majorité et conquérir un public plus large.
J’écris parce que j’aime ça, parce que j’y prends du plaisir, un plaisir d’auteur, mais également un plaisir de lecteur, car je suis mon premier lecteur (et j’espère, pas l’unique).
Depuis quelques mois, mon plaisir se situe à Perpignan, dans la vie de mon personnage préféré (ils sont tous mes préférés, de toute façon) en tout cas, le personnage le plus proche de ce que j’aurais pu être.
C’est dans la vie d’un écrivain à insuccès obligé de se reconvertir pour se nourrir et qui choisit de devenir détective privé. Étant très loin de l’archétype du genre, ni séducteur, ni beau, ni fort, ni courageux, il s’adjoint les services d’un ancien boxeur pro, également ancien pickpocket, qu’il héberge et avec qui il devient très ami.
Les deux acolytes vont alors résoudre des affaires complexes, le tout conté avec humour par le détective-narrateur-écrivain…
M’étant beaucoup amusé à écrire le premier opus, encore plus à rédiger le second, je me suis lancé dans la foulée dans un troisième qui s’intitule, vous l’aurez compris : « Un innocent coupable ».
Alors, n’hésitez pas à découvrir ce roman et les autres, à vous plonger dans les enquêtes déjantées de mon détective préféré et de son alcolyte (un acolyte alcoolique).
Si vous ne connaissez pas encore, il est temps de vous rattraper.
Si vous connaissez déjà (vous êtes un privilégié de bon goût) parlez-en autour de vous afin que je devienne riche et célèbre même si je me fous de la célébrité et que je me contente de peu pour vivre.
Souriez, riez, enthousiasmez-vous, ouvrez-vous à de nouvelles plumes, de nouveaux auteurs (même s’ils sont anciens), de nouveaux personnages.
Bref, faites des découvertes et ne vous contentez jamais de ce dont tout le monde vous vante.
Je dis ça pour moi, mais cela vaut pour tout un tas de confrères qui méritent (les confrères, pas le tas) d’être bien plus connus qu’ils ne le sont pour le moment.
Vous cherchez un roman policier à la fois subtil, drôle, déjanté, haletant, original, engagé (vous pouvez rajouter tous les qualificatifs qui vous donnent envie) alors, c’est « Un innocent coupable » qu’il vous faut.
Et s’il ne vous le faut pas, achetez-le quand même, car si vous vous amusez autant à le lire que moi à l’écrire, vous ne le regretterez pas.
Et si vous le regrettez quand même, dites-vous que vous avez fait une bonne action en enrichissant de quelques euros un éditeur sympathique et un auteur… un auteur, quoi.
Pressez-vous, car le prochain opus est déjà bien avancé et qu’en plus, vous aurez prochainement le droit à un roman noir qui vous fera beaucoup moins rire que les autres…
UN INNOCENT COUPABLE
Dans la vie, surtout celle d’un détective, il faut toujours se méfier des évidences…
Aussi, quand un couple de voisins fraîchement installé se fout sur la gueule, j’aurais pu, comme tous les habitants du quartier, considérer qu’il ne s’agissait là que d’un exemple supplémentaire de la violence conjugale qui mine notre société.
Au pire, craindre un énième féminicide…
Mais mon sixième sens d’investigateur hors pair m’avait incité à ne jamais faire confiance ni à autrui ni aux truismes… et à démêler les monstres des victimes et les innocents des coupables même si, parfois, les coupables sont innocents et les innocents sont coupables…
Une ombre dans la nuit
Je poursuis toujours ma découverte, lentement mais sûrement, de la mythique collection policière fasciculaire « Le Roman Policier » des éditions Ferenczi.
Mythique, car l’une des toutes premières collections policières fasciculaires (auparavant, c’était plutôt des séries comme « Marc Jordan » ou « Miss Boston ».
Mythique, car l’une des premières collections fasciculaires des éditions Ferenczi qui était déjà probablement la première à pratiquer le fascicule policier avec la série « Marc Jordan » devant concurrencer les traductions de la série américaine « Nick Carter ». Première de très nombreuses collections fasciculaires [policières ou autres] tant chez Ferenczi que chez ses concurrents.
Mythique enfin, car toutes les couvertures sont superbement illustré par le génial Gil Baer.
La fameuse collection « Le Roman Policier » ouvrit ses portes en 1916, les ferma en 1923 [avant qu’une éphémère deuxième série apparaisse] et compta plus de 200 titres signés par de nombreux auteurs, des confirmés, mais aussi d’autres qui y firent leurs armes.
« Une ombre dans la nuit » est le 162e titre de la collection et le second, dans la collection, signé par René Poupon. Il est paru en 1922.
René Poupon est un auteur de littérature populaire très prolifique à qui l’on accorde, entre autres, le pseudonyme de R. Pol Dry.
Des sites [parfois sérieux] annoncent comme date de naissance 1902 et date de mort 1994.
Pourtant, je ne peux m’empêcher de douter sur ces informations du fait que l’auteur aurait alors signé ce titre à seulement 20 ans et, surtout, comme on ne trouve plus trace de lui après 1958, cela voudrait dire qu’il a passé plus de 35 ans sans écrire ???
Bref.
UNE OMBRE DANS LA NUIT
Arthur Liénon, sous-chef de la police de Sûreté, ne se doutait pas, quand lui fut confiée l’enquête sur l’assassinat d’un ancien agent de la police secrète de Moscou, qu’en résolvant cette affaire, il s’attirerait à la fois la gloire et le plus grand des malheurs.
Il faut reconnaître que la lutte contre un ennemi aussi dangereux et fort que celui auquel il allait être confronté n’était pas une sinécure… surtout lorsqu’on n’est pas uniquement animé par le désir de justice…
Lors d’une soirée mondaine chez le marquis de Marzanne, le collier de la comtesse de Velmont a été volé. Heureusement, dans ses relations, le marquis compte un ancien agent de la police secrète de Moscou qui ne tarde pas à repérer, parmi les invités, un individu qu’il connaît fort bien pour l’avoir déjà arrêté dans son pays. Celui-ci a pris une fausse identité et s’apprête à épouser la fille dudit marquis.
Quand le policier moscovite tend un piège au voleur, ce dernier parvient à y échapper non sans éliminer son ennemi.
Le sous-chef de la Sûreté Arthur Liénon est alors chargé d’enquêter sur le crime. Mais le policier est un intime du marquis de Marzanne et, pire, il amoureux de sa fille…
René Poupon nous livre ici un récit de 14 000 mots qui s’inscrit parfaitement dans son époque, tant au point de vue littéraire dans le genre policier.
Effectivement, l’intrigue tourne autour d’immigrés russes, comme beaucoup de récits d’alors et, en plus, mélange les genres policiers, aventures et sentimental, comme il était de coutume également.
Le lecteur a donc le droit à son lot de bons sentiments, enrobés d’un peu d’action et d’aventures, des déguisements, des poursuites, le tout dans un style littéraire un peu suranné [beaucoup ?] qui fait le charme de cette littérature.
Bien évidemment, l’intrigue, du fait du format court, est très simple et linéaire et les personnages assez manichéens quoi que le « méchant » de l’histoire échappe un peu à ce constat.
Pour autant, rien de bien transcendant même si la lecture est agréable.
La seule subtilité ou originalité dans le récit se trouve dans la double enquête. La première, celle de l’ancien agent russe. La seconde, celle de Liénon sur le meurtre du premier.
Au final, un récit dans la veine de ce qu’il se faisait à l’époque et dans la même collection, sans que l’auteur parvienne à hisser son texte au-dessus des autres.
L'homme au sombre manoir
Je poursuis ma découverte de la collection des éditions Ferenczi, « Le Roman Policier » une collection de fascicules policiers de 32 pages qui, à partir de 1916, proposa plus de 200 titres policiers de différents auteurs dont toutes les couvertures furent illustrées par l’excellent Gil Bear.
Le titre du jour, « L’homme au sombre manoir » a été publié en 1923 et est signé Louis Frey.
Je vous aurais volontiers parlé de l’auteur si j’avais eu la moindre bille à son sujet, mais comme je n’ai rien, je passe à la suite.
La collection « Le Roman Policier » est l’une des premières si ce n’est la première collection française de fascicules policiers. Elle est lancée en 1916 par les éditions Ferenczi qui par la suite, à travers des dizaines d’autres collections fasciculaires, proposeront des milliers de titres aux lecteurs jusqu’à la fin des années 1950 et l’avènement du livre de poche.
L’HOMME AU SOMBRE MANOIR
Léonidas-Claudius Mercerot, le célèbre détective, en faisant défiler, une nouvelle fois, les photographies de femmes disparues découpées dans les journaux ces dernières années, constate une troublante ressemblance entre cinq d’elles…
Persuadé qu’elles ont toutes été enlevées par la même personne, il décide de se lancer sur la piste du kidnappeur et probablement assassin.
En rendant visite aux familles des victimes, Léonidas-Claudius Mercerot découvre un indice lui laissant penser que le coupable vit près de la ville de Sannois.
Il ne lui reste plus qu’à s’adjoindre les services d’un bon appât pour attirer le monstre…
Léonidas-Claudius Mercerot, détective de son état, a bien l’impression d’avoir déjà vu le jeune apprenti coiffeur qui lui fait la barbe. Pourtant il est certain de ne pas l’avoir déjà rencontré. Mais ce léger duvet au-dessus de la lèvre, ce grain de beauté sur la joue…
En rentrant chez lui, il feuillette à nouveau la collection de photographies de femmes disparues prélevées dans les divers journaux et se rend compte que, dans le lot, cinq femmes possèdent ces traits caractéristiques du coiffeur. Immédiatement, il pense qu’elles ont toutes été victimes de la ou les mêmes personnes et décide d’enquêter.
En interrogeant les familles des victimes et en fouillant les chambres de celle-ci, il trouve un indice le conduisant à un village dans lequel il est persuadé de découvrir une piste. Encore lui faut-il un bon appât pour attirer les kidnappeurs et probablement assassins et qui mieux que le jeune coiffeur qui, déguisé en femme, fera une très belle chèvre à attacher au piquet pour attirer le tigre…
Louis Frey nous livre un petit récit policier de 12 700 mots bien dans la veine de ce qui se faisait à l’époque, et ce, malgré une idée de départ pas si inintéressante que cela.
Je passerai sur le fait que c’est en voyant l’apprenti coiffeur que l’idée vient au détective, mais le fait qu’en repassant les images des disparues, celui-ci remarque un trait commun entre plusieurs victimes laissant présager un tueur en série, voilà qui n’est pas dénué d’intérêt.
Malheureusement (mais on ne peut blâmer l’auteur), le traitement qui s’en suit n’est pas à la hauteur du sujet, du moins, est ce qui se faisait à l’époque et dans le genre et dans le format.
Autant sur un roman, au début 1920, l’auteur pouvait faire preuve d’un certain modernisme dans la narration et dans sa plume (relisons les romans d’Albert Boissière, « L’énigme de la malle rouge » de H. J. Magog, par exemple), autant dans un format aussi concis que le fascicule de 32 pages, les styles ont plus mal vieilli.
Pas grave, on sait à quoi s’attendre en lisant un tel titre.
On passera donc sur l’astuce de déguiser un homme en femme sans que personne ne s’en rende compte (vous me direz que cet artifice est encore utilisé de nos jours par certains auteurs ou scénaristes) sur le style un peu désuet et sur certaines facilités inhérentes au format.
Alors, la lecture de ce court récit policier sera plutôt agréable même si elle ne révolutionnera ni la littérature ni le monde du fascicule policier.
Au final, un petit récit policier dans la veine de ce qu’il se faisait au début des années 1920.
Nés sous X
Comme vous le savez peut-être, je ne lis que du roman policier et quasiment que du roman policier écrit en langue française (pour être certain de lire ce que l’auteur a voulu écrire et non pas l’interprétation faite du texte par un traducteur).
De plus, j’aime retrouver un personnage au fil de ses aventures, et j’apprécie particulièrement la narration à la première personne, surtout quand l’auteur et le personnage ont de la gouaille et de l’humour.
Aussi, les aventures de Cicéron Angledroit signées Cicéron Angledroit (en fait, Claude Picq) étaient faites pour moi.
Enfin… auraient dû être faites pour moi.
Mais, la lecture du premier opus « Sois zen et tue-le » m’avait un peu (beaucoup) refroidi.
Quatre ans après cette lecture, j’ai décidé de redonner une chance au personnage et à son auteur, pour savoir si lui ou moi avions changé un peu d’esprit.
Alors, zou, lecture de « Nés sous X », deuxième enquête du détective Cicéron Angledroit.
Nés sous X :
Cicéron Angledroit est détective privé en banlieue parisienne. Quand il ne croule pas sous les affaires, ce qui est régulièrement le cas, il partage son temps entre sa fille et ses maîtresses. Mais voilà, tout à coup, il se retrouve avec deux dossiers sur le dos. D’un côté, une sombre histoire de flics pas très honnêtes, de l’autre, un mystère autour d’une naissance… Avec son flegme et son humour légendaires, Cicéron mène l’enquête.
Voilà une nouvelle aventure de Cicéron, le privé le plus borderline et le plus endetté de toute la banlieue parisienne. Dans la veine de San-Antonio ou de Nestor Burma, ce détective se coltine, avec humour et nonchalance, des enquêtes rocambolesques et hautes en couleur. Servi par un style vif et une langue pleine de verve, ce polar ne vous tombera pas des mains.
Banlieusard pur jus, l’auteur – de son vrai nom Claude Picq – est né en décembre 1953 à Ivry, ceinture verte de Paris transformée depuis en banlieue rouge. Nés sous X est son troisième roman.
Cicéron Angledroit a besoin de renflouer ses caisses, aussi, il accepte deux affaires en même temps : le cas de Mourad, employé de station-service, qui aimerait bien comprendre pourquoi un homme mort il y a quelques mois lui ressemblait trait pour trait et celui de son commissaire préféré qui lui demande d’enquêter sur deux flics potentiellement pourris…
Que dire sur ce second épisode que je n’aurais déjà dit du précédent, quatre ans auparavant ?
Pas grand-chose, en fait, tant les deux opus souffrent des mêmes défauts (défauts pour moi, pas pour tout le monde) et possède probablement les mêmes qualités.
En qualités : une plume pas désagréable avec un personnage qui s’adresse à ses lecteurs, un peu d’humour, des personnages qui auraient pu être attachants (notamment les seconds couteaux)…
En défauts : deux intrigues faiblardes (très faiblardes), des scènes de cul qui n’ont aucun intérêt (malgré ce qu’en dit l’auteur), une plume qui, si elle n’est pas désagréable, n’est pas non plus suffisamment forte pour compenser le reste.
Au final, un épisode dans la veine du précédent, qui souffre des mêmes faiblesses.
L'Houkami
On ne le dira jamais assez (même si la plupart des lecteurs s’en moquent) le récit fasciculaire policier doit beaucoup aux éditions Ferenczi qui, parmi les premiers voire même les tout premiers, se lancèrent dans cette aventure à la fin des années 1910 pour concurrencer le succès des traductions des aventures de Nick Carter en proposant celle de son pendant français Marc Jordan.
Fort de ce succès (je suppose qu’il y eut succès puisque 64 épisodes) les éditions Ferenczi poursuivirent sur leur lancée en créant des collections policières fasciculaires généralistes afin de regrouper de courts récits de divers auteurs.
Ainsi fut créée la mythique collection « Le Roman Policier » à partir de 1916 qui compta, jusqu’à 1923 plus de 200 titres au compteur.
Suivirent de nombreuses autres collections policières fasciculaires (et autres genres) jusqu’à la fin des années 1950 où l’apparition du livre de poche enterra ce format si particulier.
Mais passons pour nous attarder sur cette première collection dite mythique, car pionnière, mais aussi parce que sublimement illustrée en couverture par l’excellent Gil Baer.
Parmi les auteurs ayant essuyé les plâtres, on trouve un dénommé Fernand Peyre qui livra 5 ou 6 textes pour cette collection et dès le 6e titre de la collection.
Le titre du jour, « L’Houkami », fut publié en fin 1920 sous le numéro 80 et est donc signé par Fernand Peyre, de son vrai nom Fernand-Eugène Pérignon (1872-1957).
Il fut l’auteur de nombreux romans et fascicules, principalement dans les genres aventures, policier et sentimental.
L’HOUKAMI
Raoul Feuillor, bijoutier, était pourtant heureux et fier d’avoir acquis l’Houkami, un diamant encore plus prestigieux que le célèbre Régent.
Quelle publicité c’était pour lui que de pouvoir exposer le joyau !
Mais il était loin d’imaginer l’enchaînement de malheurs que l’Houkami allait engendrer dont le cambriolage de sa boutique serait le premier et le moins douloureux…
En Inde, un ingénieur français a trouvé un magnifique diamant qu’il a surnommé Houkami en l’honneur de la fille du radjah. Ce dernier, après que le français l’ait sauvé d’une attaque de tigre, lui offre la fameuse pierre qu’il s’empresse de revendre une fortune à M. Feuillor, un bijoutier français.
La bijouterie Feuillor est cambriolée pendant une nuit, mais les voleurs ne mettent pas la main sur le superbe diamant que M. Feuillor cache chaque soir.
Quelques jours plus tard, M. Feuillor disparaît, sans que la police ne trouve plus d’indice que pour le cambriolage.
Quelques mois plus tard, c’est au tour de la fille de M. Feuillor d’être enlevée, mais, cette fois-ci, le fiancé de celle-ci, jeune aventurier courageux, va se lancer à la poursuite des voleurs avec la complicité d’un de ses amis.
On retrouve dans ce récit de 12 400 mots tout ce que l’on est en droit d’attendre d’un texte de ce genre et de son époque (1920).
Effectivement, ce récit dit policier est avant tout un récit d’aventures, du moins pas un récit policier d’énigme (ce que le format ne permettrait de toute façon pas) mâtiné d’un certain sentimentalisme (la relation entre la fille Feuillor et son fiancé) et d’exotisme (l’évocation des Indes, des Radjahs…).
Pour autant, si l’on n’est pas surpris à cette lecture (pour peu que l’on ait coutume de lire des fascicules policiers des années 1920) celle-ci n’est pas désagréable, loin de là.
Sans briller par son originalité, donc, ni par l’intrigue, ni par les personnages, ni par la narration, ni même par la plume, ce récit est suffisamment maîtrisé pour ne pas trop souffrir de ce manque d’audace de la part de l’auteur.
Au final, un petit récit policier d’aventures qui ne pâtit pas trop des défauts de son genre, de son format et de son époque, malgré des personnages caricaturaux, une intrigue simple, l’intervention du hasard pour aider le héros et un certain sentimentalisme qui, à l’aulne des lectures actuelles, pourrait passer pour mièvre.
La Machine à Penser
On ne contestera pas l’engouement des amoureux du genre policier pour les personnages atypiques d’enquêteurs, voire, les héros relativement détestables.
Le symbole le plus évident de cette attirance est sans conteste le personnage de Sherlock Holmes, un être que l’on détesterait dans la vraie vie pour ses nombreux défauts (méprisant, drogué, qui ne se soucie pas des autres, imbu de sa personne…), mais que l’on adore dans la littérature, à la télévision, au cinéma, et ce depuis plus de 135 ans.
Dans la lignée du détective anglais, on pourra citer Hercule Poirot d’Agatha Christie ou encore Joseph Rouletabille (dans une moindre mesure) de Gaston Leroux.
Mais, dans la littérature populaire du siècle dernier, des enquêteurs très spéciaux et pas forcément sympathiques n’ont pas eu le succès escompté ou ne sont même jamais apparus en France.
Je pense, par exemple, au « vieil homme dans un coin » de la baronne Emmuska Orczy qui, s’il était original et très intéressant a, il est vrai, était desservi par de très courts textes pas toujours enthousiasmants à lire.
Mais un autre enquêteur venu d’ailleurs, d’outre-Atlantique et non d’Angleterre, cette fois-ci, aurait mérité une bien meilleure exposition dans notre contrée que celle qu’il eut et qui fut, il faut bien l’avouer, extrêmement faible, et ce malgré le succès qu’il rencontra dans d’autres pays dont le sien.
Effectivement, quand l’enquêteur de génie (et là, le mot n’est pas galvaudé) est un petit être malingre, relativement âgé, avec une grosse tête, de grosses lunettes, un grand front, grincheux, et qui ne prend aucune pincette pour parler aux autres, on peut alors dire qu’il n’est pas un détective commun.
C’est le cas du professeur Augustus S. F. X. Van Dusen, le personnage créé par Jacques Futrelle en 1905.
Jacques Futrelle, contrairement à ce que son nom (son pseudonyme) peut laisser penser, est un journaliste écrivain américain né en 1875.
L’auteur qui se lança jeune dans l’écriture de récits policiers, un genre en plein essor, mais encore balbutiant, est connu principalement pour deux faits.
Le premier est donc son personnage fétiche de « La Machine à Penser » (le surnom du professeur Van Dusen).
Le second est plus tragique, car c’est pour être le seul écrivain (enfin, je crois) à être mort dans le naufrage du Titanic en 1912.
Effectivement, Jacques Futrelle et sa femme (écrivain elle aussi) faisaient une tournée en Europe pour prendre contact avec des éditeurs de différents pays (France, Italie, Autriche) pour faire traduire et éditer ses récits par chez nous.
Le lendemain de son anniversaire (il est né un 9 avril), il embarque avec son épouse à Southampton sur le Titanic.
Féru de nouvelles technologies (il était l’un des premiers à s’offrir une voiture, par exemple), Jacques Futrelle, malgré des festivités s’étant terminées très tard (ou plutôt très tôt), s’était précipité pour ne pas louper le voyage inaugural du fleuron de la navigation.
Grand mal lui a pris puisque, 5 jours plus tard, vers 2 heures du matin, il sombrait à bord du bâtiment.
Sa femme, elle, parvint à monter à bord d’un canot de sauvetage après que son mari lui ait confié une partie de ses derniers écrits (dont 6 aventures de « La Machine à Penser ») qui seront publiés de façon posthume.
Toujours est-il qu’entre 1905 et 1912, les « problèmes » résolus par le professeur Augustus S. F. X. Van Dusen conquirent le public américain, dans les journaux, principalement, mais ensuite aussi au cinéma.
Dès lors, on retrouve des traductions dans un peu tous les pays de la cinquantaine de courtes enquêtes de « La Machine à Penser » (des textes allant de 3500 à 18 000 mots).
Un peu partout sauf en France, ou presque.
Car, sur la cinquantaine d’épisodes, seule une vingtaine furent traduits en français et assez tardivement.
On retrouve un recueil de 13 enquêtes, et quelques récits publiés dans le magazine « Mystery Magazine », une version française du « Ellery Queen’s Mystery Magazine ».
Dans les journaux suisses, on peut également découvrir quelques récits traduits par l’écrivain suisse Michel Epuy, mais il s’agit d’une traduction-adaptation puisque les noms des personnages, des villes, et autres sont changés pour les remplacer par des consonances plus helvétiques.
Bref, on comprendra que l’œuvre de Jacques Futrelle qui a pourtant charmé (et à raison) un grand lectorat aux USA et ailleurs fut totalement boudé voire méprisé dans notre pays pourtant si avide de récits policiers.
Heureusement, « OXYMORON Éditions » a décidé de changer cette donne, de donner (vendre, mais pas cher) aux lecteurs la possibilité d’enfin découvrir ce personnage à la fois atypique, intéressant et attachant en traduisant les enquêtes de « La Machine à Penser ».
Pour l’occasion, donc, la majeure partie de ces enquêtes feront l’objet d’une toute première traduction en français, les autres auront le droit à une nouvelle traduction en tentant de rester au plus près du texte d’origine.
Vous aurez alors la chance de découvrir le professeur Augustus S. F. X. Van Dusen alias « La Machine à Penser » dans ses œuvres.
Le vieux bonhomme grincheux qui ne jure que par la logique (pour lui, deux et deux font quatre, pas parfois, mais toujours) trouvera toujours assistance (bien que parfois ce soit l’inverse) auprès du journaliste Hutchinson Hatch qui se chargera, sous les ordres du scientifique, d’aller chercher des indices, d’interroger des suspects, afin d’éviter à « La Machine à Penser » d’avoir à se déplacer.
Car le bonhomme est capable de résoudre les meilleures énigmes sans même sortir de chez lui, juste en prenant connaissance des divers éléments de l’enquête.
Et des énigmes, le professeur Van Dusen va en résoudre (une cinquantaine) et dans tous les genres possibles (dans tous les sous-genres du récit policier) : des enlèvements, des crimes parfaits, des crimes impossibles, des meurtres en chambre close, des évasions impossibles, le récit d’énigme, le whodunit… j’en passe et des meilleurs.
Et, comme Jacques Futrelle était féru de technologie, que son héros est un scientifique, les intrigues tourneront bien souvent autour de technologies encore balbutiantes à l’époque : la voiture, l’électricité, les bateaux à moteur, les truquages, la radio…
Alors, n’hésitez pas à découvrir enfin le professeur Augustus S. F. X. Van Dusen alias La Machine à Penser.
Pour l’occasion, les textes seront réunis en tomes afin de proposer à chacun une heure et demie à deux heures de lecture.
Le premier tome est offert. Les autres sont disponibles pour la modique somme de 0,99 euro.
Le canal des innocentes
Je poursuis ma découverte de la plume de l’auteur Hervé Huguen ainsi que des enquêtes de son personnage récurrent : le commissaire Nazer Baron, avec le quatrième opus de sa saga : « Le canal des innocentes ».
Pour rappel, Hervé Huguen est né en 1954 et fut avocat à Nantes avant de se lancer dans l’écriture (à sa retraite ?).
Il crée alors le personnage du commissaire Nazer Baron qui vivra plus d’une vingtaine d’enquêtes.
Le canal des innocentes :
1988. En six mois, trois jeunes femmes mystérieusement disparues furent retrouvées le long des berges du canal de Nantes à Brest, victimes d’un tueur maniaque qui ne sera jamais identifié.
Vingt-trois ans plus tard, un corps sans vie est abandonné sur les mêmes rives, le long du seuil de partage de Bout-de-Bois. Puis c’est au tour d’une cinquième jeune femme d’être découverte à proximité de l’écluse de la Prée. Toutes deux présentent exactement les mêmes caractéristiques physiques que les disparues de 1988.
Persuadé que le Prédateur du Canal s’est réveillé, le commissaire Nazer Baron exhume les vieux dossiers. L’enquête le mène à un suspect entendu naguère comme simple témoin, dénoncé par sa propre épouse, mais qui nie avec toute l’énergie de l’innocence. Pourquoi aurait-il tué ces malheureuses ? Pourquoi recommencer après vingt-trois années d’oubli ?
De Nantes à la forêt du Gâvre, Nazer Baron suit la piste comme on longe les méandres d’un cours d’eau. Au gré de ses intuitions. Au gré des impasses et des rebondissements. Seul face à un assassin qui semble avoir tout prévu.
Le commissaire Nazer Baron est en convalescence après avoir pris une balle dans la hanche (on ne saura pas comment ou pourquoi). Pourtant il est rappelé par ses supérieurs pour enquêter sur une histoire d’enlèvement et de meurtre d’une jeune femme qui rappelle sans conteste une affaire vieille de 23 ans sur laquelle Baron avait enquêté à l’époque. Pourtant, si l’autopsie laisse penser qu’il s’agit du même tueur, « Le prédateur du canal » qui assassina 3 femmes à l’époque, le principal suspect s’était pendu…
Que dire de cette nouvelle enquête du commissaire Nazer Baron sans répéter ce que j’ai déjà écrit dans mes chroniques sur les titres précédents ? Rien, probablement, tant cet épisode est calqué sur le fond et sur la forme sur ceux-ci.
Côté qualités, on retrouvera donc un personnage attachant, pas trop manichéen et que l’on aime suivre dans une enquête. Une plume agréable, fluide, qui n’en fait jamais trop ou trop peu, bref, qui est au service de l’histoire et des personnages. Une histoire à taille humaine (même s’il s’agit d’un tueur en série) sans débordement de violence et de sang (même s’il s’agit d’un tueur en série) sans descriptions détaillées des sévices subies par les victimes… bref, pas écrit pour faire frissonner ou révulser.
Côté défauts, et là il est utile de préciser que ce sont des défauts pour moi, pas forcément pour tout le monde, il y a déjà le système narratif.
Effectivement, dans les épisodes précédents, Hervé Huguen usait déjà d’un système narratif alterné. Légèrement ou pas, très alterné ou pas, mais il y avait toujours au moins deux points de vues de personnages différents ou d’époque différente.
Ici, même si l’intrigue se prête à une alternance d’époque, c’est surtout à une alternance de point de vue que l’auteur s’adonne.
Certes, on sait que cet artifice a pour but de dynamiser un récit, mais quand il n’est qu’artifice, je le déplore. C’est le cas ici comme dans la grande majorité des récits en usant.
Dommage.
Et si j’ai mis un « s » à défauts, j’aurai pu m’en abstenir, car le défaut sus-cité est le principal défaut du roman et je serais presque tenté de dire le seul… si ce n’est que l’identité du coupable apparaît aux yeux du lecteur plus rapidement qu’à ceux des enquêteurs, mais c’est un détail.
Au final, un épisode dans la veine des précédents, tant dans les qualités que dans le défaut.
Les fantômes de Downcaster
Charles Richebourg est un auteur que l’on connaît (ou l’on devrait connaître) pour l’excellence de ses récits contant les enquêtes du commissaire Odilon Quentin, parus au milieu des années 1950 sous la forme de fascicules de 32 pages au sein de la collection « Mon Roman Policier » des éditions Ferenczi (43 titres auxquels s’ajoutent trois fascicules de 64 pages dans la collection « Police et Mystère 2e série » du même éditeur).
Mais cet écrivain, dont on ne connaît pas le véritable nom et dont on ne sait rien si ce n’est un autre de ses pseudonymes, Désiré Charlus, n’a pas écrit que cette série.
Effectivement, on trouve des titres signés de l’un ou l’autre de ses pseudonymes dans diverses collections des éditions Ferenczi et, notamment, au sein de la collection de fascicules de 32 pages « Mon Roman d’aventures », toujours chez Ferenczi.
« Les fantômes de Downcaster » font partie de ceux-ci et a été publié en 1955.
LES FANTÔMES DE DOWNCASTER
Le riche américain Josuah Harrisson est ravi de pouvoir louer un véritable manoir écossais, celui de lord Downcaster. Comble pour son bonheur, le bien est censé être hanté par un ancêtre du propriétaire.
Après rénovation des lieux, Josuah Harrisson organise une somptueuse fête bien arrosée.
Durant la nuit, tandis que ses invités se reposent dans leurs chambres, les couloirs sont arpentés non pas par un fantôme, mais par plusieurs… en tout cas, trop pour qu’ils soient tous d’honnêtes revenants…
Un riche américain vient en Écosse et décide de louer un véritable château à moitié en ruine à son propriétaire sans le sou, Lord Downcaster.
L’américain accepte de rénover les lieux à ses frais afin de pouvoir y accueillir sa jeune fille dans les meilleures conditions.
Quel n’est pas son plaisir d’apprendre que le château est soi-disant hanté par un ancêtre du propriétaire !
Mais, pendant qu’il discute affaires avec le Lord dans une auberge, et qu’il lui demande s’il y a un coffre-fort dans les murs pour y mettre les magnifiques diamants de sa fille quand elle viendra, deux marins décavés surprennent la discussion et décident de profiter de l’aubaine…
Charles Richebourg nous propose ici une gentille petite bluette de pas tout à fait 9000 mots qui, vous l’aurez bien compris, ne marquera pas l’histoire de la littérature par son intrigue légère, la concision du texte et l’aspect un peu burlesque du récit qui se termine un peu en vaudeville, et ce malgré le fait que l’auteur n’en fait pas moins preuve d’une belle plume.
Cependant, le plaisir de lecture est tout de même plaisant et c’est déjà pas mal.
Au final, une petite histoire presque sous forme de conte burlesque et vaudevillesque qui ne marquera pas les esprits (dans tous les sens du terme), mais qui se lit avec plaisir.
Nancy de Portsmouth
« Nancy de Portsmouth » est à l’origine le titre d’un fascicule de 32 pages paru en 1957 dans la collection « Mon Roman d’Aventures » des éditions Ferenczi.
Il est signé Désiré Charlus, un pseudonyme de Charles Richebourg, lui aussi pseudonyme de… on ne sait pas.
Toujours est-il que Charles Richebourg est l’auteur de l’excellente série « Commissaire Odilon Quentin » regroupant les 46 titres (43 sous le format fascicule de 32 pages et 3 sous le format fascicule 64 pages) mettant en scène le policier.
On ne sait donc pas qui se cachait derrière l’auteur, mais à la lecture de ses différents textes, on peut être persuadé qu’il s’agissait d’un bon écrivain comme le démontre la lecture de ladite série qui est l’une des meilleures que j’aie lue dans ce format si contraignant qu’est le fascicule de 32 pages…
Bref.
Charles Richebourg a destiné l’entièreté (ou presque) de sa production aux éditions Ferenczi au cours des années 1950.
« Nancy de Portsmouth » est un récit policier d’aventures qui met en scène, en toute fin de récit, le personnage du détective Littlejohn que l’on retrouve dans quelques autres textes de l’auteur issus de la collection « Mon Roman d’aventures ».
NANCY DE PORTSMOUTH
Tim Slack, un jeune marin anglais, refuse d’embarquer sur le « Tasmania » malgré la place enviable qui l’attend sur le navire.
Une bonne paie, un équipage sympathique, un voyage vers les plus belles contrées du monde, de quoi le changer de son quotidien pouilleux.
Et Tim Slack se serait laissé facilement convaincre si, dans les destinations prévues, il n’y avait pas l’île de Bali.
Car, Mary de Newcastle, surnommée « La sorcière de la Tyne », lui a prédit, deux ans auparavant, qu’il serait un jour pendu pour l’amour d’une fille de Bali…
Mais Tim Slack apprendra à ses dépens que « nul n’échappe à son destin »…
Tim Slack est un marin dans la dèche et, bien qu’un pote lui ait trouvé une place enviable sur un navire, celui-ci refuse d’embarquer, car l’une des escales du bâtiment est l’île de Bali et une voyante lui a prédit qu’il serait pendu à cause de l’amour d’une Balinaise.
Tentant de noyer ses derniers sous dans un bar miteux, il croise une magnifique jeune femme aux cheveux de jais et le bonheur revient dans sa vie, mais il a oublié que nul n’échappe à son destin.
Voici donc un petit texte de 9 500 mots qui navigue entre les genres aventures et policiers (comme certains titres de la collection d’origine et, surtout, ceux de cet auteur).
En effet, s’il est question de marin, de voyages, de terres lointaines, l’action se déroule à Londres et l’intrigue va mener le personnage central au meurtre, au vol et… vous le devinerez aisément.
Si le texte est plaisant à lire, notamment grâce à la plume de Charles Richebourg qui ne se contente jamais de descriptions banales ou oiseuses, l’intrigue, quant à elle, est malheureusement cousue de fil blanc. En même temps, on ne lit pas des récits de ce format pour l’intrigue, puisqu’il n’y a pas la place d’en développer correctement une.
Le lecteur sait donc à l’avance comment le récit va se terminer ainsi que des détails sur la fille rencontrée que Tim n’apprendra que vers la fin.
Pas très grave, puisque le principal est d’avoir une lecture plaisante tout du long à défaut d’une lecture enthousiasmante.
Et on peut compter sur l’auteur pour cela, car il nous livre un récit proche dans l’esprit et la forme d’autres textes publiés dans la collection « Mon Roman d’Aventures ».
Au final, un petit récit navigant entre différentes eaux et qui se lit très agréablement comme tous les textes de Charles Richebourg.
Ouragan sur Damgan
Inutile, je pense, de dire combien j’aime la littérature policière, encore plus quand je peux retrouver un personnage récurrent et suivre son évolution (et celle de la plume de son auteur) d’épisode en épisode.
Récemment, j’ai découvert avec plaisir la plume d’Hervé Huguen et son personnage du commissaire Nazer Baron.
Après un premier épisode enthousiasmant, un second dans la même lignée, j’avais arrêté là ma lecture de la série, car le synopsis du troisième opus ne me donnait pas trop envie et que j’ai tant et tant d’auteurs et de personnages à découvrir que j’ai peine à me plonger pleinement dans une série d’autant plus qu’elle est longue (et celle-ci compte au moins 23 épisodes).
Mais, comme cet épisode me fut conseillé par une personne chère à mon cœur, et n’ayant pas eu le temps de chercher ma prochaine lecture, j’ai décidé de me lancer dans cette troisième enquête de Nazer Baron de Hervé Huguen.
Pour rappel, Hervé Huguen, né en 1954, est un ancien avocat nantais qui se consacra à l’écriture à partir de 2009.
Ouragan sur Damgan :
« On n’a pas été en mesure de reconstituer exactement le scénario du drame, avait admis le commissaire Droniou. Pourquoi deux armes ? Je n’en sais rien, ce que je sais, c’est que Caroline tenait encore le fusil dans les mains, il n’y avait pas beaucoup de questions à se poser. »
L’enquête s’orientait vers une tragédie familiale à huis clos, derrière les murs d’une villa en bordure d’un océan déchaîné cette nuit-là. La meurtrière souffrait de troubles psychiatriques… Un crime limpide en effet.
L’inspecteur Kervilin va pourtant douter de ce qu’il découvre, et s’acharner à prouver que la tuerie ne s’est pas déroulée comme on voudrait le faire croire. Il paiera au prix fort son obstination…
Dix ans après la mort de Kervilin et la clôture des investigations sur le massacre, le commissaire Baron se voit chargé de rouvrir le dossier. Avec une question : que faisait l’inspecteur Kervilin la nuit où il est décédé ?
Une enquête sur l’enquête qui obligera Baron à déchirer le voile des apparences, celles dont il faut toujours se méfier, pour enfin faire éclater une vérité inattendue. Un roman inspiré d’un fait divers authentique !
Le commissaire Nazer Baron est chargé de faire la lumière sur une vieille affaire, la mort de l’inspecteur Kervilin, tué par une voiture dix ans auparavant, juste après avoir été démis d’une enquête sur un triple meurtre sordide pour s’être trop acharné à vouloir coincer un homme que tout innocentait. C’est l’occasion pour Nazer Baron de se replonger dans cette enquête afin de mieux comprendre l’inspecteur Kervilin et découvrir pourquoi il est mort.
Tout d’abord, il est bon de rappeler que j’ai beaucoup apprécié les deux épisodes précédents sur lesquels j’émettais pourtant deux petits bémols.
Le premier est commun aux deux opus : un système narratif alterné. D’abord entre deux histoires qui vont se rejoindre ; ensuite entre l’histoire et les pensées du tueur.
Personnellement, je préfère les récits linéaires, estimant qu’une bonne intrigue et qu’un bon auteur ont rarement besoin (pas jamais, mais rarement) de cet artifice littéraire… sauf cas particulier.
Ici, vous aurez compris à la lecture de la 4e, le lecteur aura le droit à deux récits distincts : celui de l’enquête de Kervilin et celui de l’enquête de Baron.
Mais l’auteur a la bonne idée de ne pas faire s’alterner les deux enquêtes.
Au contraire, il livre la première enquête, celle de Kervilin, qui prend la première moitié (ou plus) du roman pour ensuite enchaîner avec celle de Baron.
Alors, certes, cela a le défaut, pour ceux qui aiment retrouver leur personnage préféré, de les obliger à être très patients, mais cela évite les faiblesses, selon moi, d’une narration alternée.
Le second bémol que j’avais émis et qui apparaissait surtout dans le second opus, c’était l’obsession apparente de l’auteur (ou du personnage) pour les personnes grosses.
Dans le deuxième opus, la jeune stagiaire de Nazer Baron était régulièrement la cible des propos ou pensées narquoises voire dénigrantes de la part du policier à cause de son physique.
On retrouve à nouveau cette obsession avec plusieurs personnages dans ce roman.
Encore une fois, difficile de dire s’il s’agit là de grossophobie (mon Dieu que ce mot est moche) de l’auteur, du personnage, ou bien une facilité de description ou encore un complexe de l’auteur qui aurait eu jadis des problèmes de poids…
Mais passons, cela n’est qu’un détail (un gros détail, mais pas un détail adipeux).
Pour le reste, on retrouve les qualités de plume des précédents épisodes.
Effectivement, Hervé Huguen démontre une parfaite maîtrise du genre, de la narration (même si celle-ci ne me sied pas toujours), du français (heureusement, mais ce n’est pas donné à tous les auteurs), de l’ambiance et de ses personnages.
Comme j’ai déjà dit pour mes précédentes lectures, l’auteur ne cherche jamais à en faire trop, à sombrer dans un quelconque excès (sexe, violence, suspens, action…) pour maintenir l’intérêt du lecteur et propose des personnages à la fois humains, complexes et attachants.
C’est le cas avec Nazer Baron, mais ça l’est encore plus avec celui de Kervilin, un policier qui après la mort de son fils a totalement lâché la vie pour se consacrer à son métier. Sa femme l’a quitté, ses collègues le détestent, mais c’est un policier acharné… peut-être trop.
Pour son intrigue, l’auteur s’inspire de la dramatique affaire Jeremy Bamber, qui s’est déroulée en Angleterre en 1985.
Loin de chercher à cacher la filiation, Hervé Huguen nomme clairement l’affaire en question, et, mieux, s’en sert en cours de roman pour certaines justifications que je vous laisserai découvrir.
Tout est donc bien en place, du début du roman jusqu’à sa presque fin.
Car, la seule faille dans tout le roman est la révélation finale qui, si on y regarde d’un peu plus près, ne peut pas tenir la route une seule seconde pour peu que les enquêteurs et surtout le service technique et scientifique aient fait leur travail à minima.
Bien évidemment, je ne peux en dire plus au risque de faire des révélations sur ladite intrigue, mais ceux et celles qui ont lu ou qui liront ce roman comprendront probablement de quoi je veux parler.
Au final, un bon roman policier, bien écrit, souffrant un peu d’une fin qui tient difficilement la route.
Triplix l'insaisissable
Cela n’aura pas échappé à ceux qui lisent mes chroniques, je me penche régulièrement vers la production de José Moselli (1882-1941) un écrivain qui fit la joie des lecteurs pendant plusieurs décennies au début du siècle dernier et qui, du fait que l’entièreté de sa production fut destinée à des magazines et journaux, n’a pu demeurer dans l’esprit des lecteurs actuels faute de pouvoir, jusqu’à récemment, pouvoir accéder facilement aux récits de l’auteur.
Mais ces dernières années, quelques éditeurs et quelques amateurs éclairés tentent de faire revivre une partie de la production de José Moselli en la numérisant.
Si, de l’auteur, j’ai beaucoup aimé certaines de ses séries policières fleuves comme les enquêtes d’Iko Terouka, celle de Browning et Cie ou encore celles du voleur John Strobbins, j’ai également goûté avec plaisir à des séries plus courtes comme les enquêtes de Monsieur Dupont ou les aventures du baron Stromboli.
Mais, de tous les récits de l’auteur que j’ai lus, c’est indéniablement, et de loin, son roman-feuilleton « La momie rouge » que j’ai apprécié.
Effectivement, ce roman, à la fois roman policier, roman d’aventures et ancêtre du « page turner » est probablement, dans le genre policier, son chef-d’œuvre, Moselli parvenant à se jouer des contraintes du roman-feuilleton et à s’en servir pour nourrir sa plume et son histoire.
Aussi, j’ai longtemps hésité à me plonger dans un autre roman-feuilleton policier de l’auteur : « Triplix l’insaisissable ».
Certes, on aurait pu me le pardonner étant donné que le roman n’avait jamais été numérisé, mais je n’ai aucune excuse vu que j’avais acheté tous les numéros du magazine « Pêle-Mêle » de 1924 dans lequel il avait été publié.
À noter qu’en 2005, la revue 813 avait réédité un fac-similé des pages du magazine de l’époque.
Bref.
C’est désormais chose faite (la lecture du roman).
Triplix l’insaisissable:
Monsieur Serpier, chef de la Sûreté, reçoit la visite d’un Anglais disant être le célèbre détective Joé Blanket, et qui lui raconte qu’il poursuit un certain Otto Drohl, voleur et assassin, lequel Otto Drohl a disparu du Gigantic Palace où il logeait sous le nom de William Grant.
Ce récit terminé, Joé Blanket expire, et un second Joé Blanket se fait annoncer.
M. Serpier le reçoit et apprend que l’homme qui vient de mourir est un imposter, mais que l’histoire qu’il vient de raconter est vraie.
Le second Joé Blanket, d’ailleurs, craint lui-même pour sa vie.
M. Serpier l’écoute et le fait suivre par le détective Corfe…
Le chef de la Sûreté française reçoit la visite d’un détective anglais lui expliquant qu’il poursuit un assassin et un voleur qui s’est approprié une précieuse collection de perles. Il lui raconte également qu’il a été empoisonné et qu’il est en train de mourir.
Effectivement, celui-ci décède dans le bureau.
Mais, à peine le corps envoyé à la morgue, un autre Anglais se présente et prétend être l’homme qui vient de décéder.
Comme on le voit avec le résumé du roman, celui-ci commence sur les chapeaux de roues, du moins avec un mystère assez intrigant, d’autant que le corps du mort disparaît ensuite de la morgue.
On reconnaît l’inventivité de José Moselli, son talent pour proposer des récits rocambolesques…
Malheureusement, celui-ci ne tient pas toutes ses promesses et il ne tient pas la comparaison avec « La momie rouge » qui, il faut le dire, avait placé haut la barre.
Effectivement, cette histoire rocambolesque s’avère, au final, bien moins rocambolesque qu’il n’y paraît et offre bien moins d’intérêt que l’on aurait pu croire au début.
La faute à l’intrigue, bien évidemment, mais également et, peut-être, surtout, aux personnages.
Si, dans « La momie Rouge », José Moselli avait su proposer deux personnages attachants (d’un côté un flic intègre, mais macho et buté ; de l’autre, un personnage haut en couleur et apportant les touches d’humour) et une victime loin d’être manichéenne, car son addiction à la drogue fait qu’on se dit qu’il a un peu mérité ce qui lui arrive, dans « Triplix l’insaisissable », les personnages sont particulièrement ternes et un peu trop manichéens. Depuis les méchants méchants, sans honneur, sans scrupules, prêts à tout pour mettre la main sur les perles, jusqu’au héros (le fameux Triplix) qui est trop peu présent pour peser même si on apprend, de sa propre confession, qu’il était derrière la plupart des actions de l’histoire, en passant par les personnages intermédiaires comme le diamantaire veule qui se laisse manipuler et diriger et même sa fille qui, par amour pour son père ferme les yeux sur pas mal de choses et ne va pas mesurer la portée de ses actions.
Mais, quand tout cela, toute cette aventure, tous ces rebondissements ne servent, au final, qu’à coopter quelques perles (si précieuses soient-elles), on se dit un peu « Tout ça pour ça ».
Encore une fois, cette impression est présente surtout sur le lecteur qui a déjà eu le bonheur de lire « La Momie Rouge » du même auteur et chez qui ce roman va souffrir de la comparaison.
Pour le reste, on a un peu l’impression de se retrouver face à un feuilleton qui s’essouffle un peu (comme dans les autres feuilletons de l’auteur) du fait d’une nécessaire répétition d’actions et de rebondissements là où dans « La momie Rouge » tout s’enchaînait avec fluidité sans jamais lassé et en tenant toujours le lecteur en haleine.
Dommage.
Au final, un roman policier d’époque qui se lit sans trop de déplaisir, mais qui souffre de la comparaison avec LE roman policier de José Moselli : « La Momie Rouge ».
Crime à la campagne
Je poursuis donc ma découverte de la production policière de l’auteur Jean Normand, découvert à travers la série « Inspecteur Doublet à travers le monde », une série de 14 fascicules de 14 pages se déroulant principalement en Guyane.
Pour rappel, derrière le pseudonyme de Jean Normand se cache l’écrivain Raoul Anthoni Lematte (1885-1956). Un auteur qui, après des études de droit travailla dans l’administration pénitentiaire en Guyane d’où il tira inspiration pour la série suscitée, mais aussi pour divers récits d’aventures.
Mais, principalement sous le pseudonyme de Jean Normand, l’auteur s’essaya plusieurs fois au genre purement policier et c’est cette production que je cherche à découvrir ces derniers temps.
CRIME À LA CAMPAGNE
Le père Grandin a été étranglé dans sa maison, durant la nuit, avec sa propre ceinture.
Les inspecteurs Doublet et Foulon sont chargés de l’enquête.
La suspicion se porte immédiatement sur le plus proche voisin quand une reconnaissance de dette à son nom est retrouvée sur la victime.
Mais le père Grandin, en plus d’être usurier à la petite semaine, pratiquait la sorcellerie et vendait ses services.
Sachant qu’il n’était pas du genre à mettre son magot à la banque, tout le monde, dans la région, pense qu’il cachait son pactole chez lui.
Un bon mobile pour multiplier les suspects…
Le garde champêtre Sicot, de Rainville-sur-Seine, lors de sa tournée, découvre, la porte entrouverte de M. Grandin. Inquiet, il pénètre dans la maison pour découvrir ledit Grandin mort, étranglé avec sa propre ceinture.
Les inspecteurs Doublet et Foulon débarquent sur place pour mener l’enquête, mais les soupçons se portent rapidement sur le voisin de la victime après avoir découvert dans le portefeuille de celle-ci, une reconnaissance de dette signée par ledit voisin.
Jean Normand met en scène le personnage de l’inspecteur Doublet, nom qu’il utilise la même année pour ses aventures de « L’Inspecteur Doublet à travers le monde ».
Pour autant, les deux personnages ne semblent rien avoir en commun.
Il me semble, d’ailleurs, que l’on retrouve aussi l’inspecteur Foulon dans d’autres titres de l’auteur.
Passons.
Jean Normand nous propose une intrigue simple, mais rondement menée (par l’auteur, moins par les enquêteurs) durant laquelle la suspicion se porte sur différents protagonistes.
On notera que Jean Normand apporte (dans les notes de bas de page) des éléments d’informations juridiques qui apportent un côté un peu plus réaliste, comme il avait pu le faire dans un autre titre en évoquant les dossiers anthropométriques de la police.
Un rien, un détail, mais dans ce format très court, cela apporte un indéniable plus, d’autant que l’enquête est menée d’une manière plutôt réaliste par les deux inspecteurs. Pas de scènes rocambolesques, de déductions tirées par les cheveux, même si on peut reprocher la légèreté des preuves apportées contre chacun des suspects.
L’ensemble se lit très agréablement, malgré les quelques répétitions et coquilles présentent dans le texte original, et ce jusqu’à la révélation finale.
Effectivement, même si on peut excuser l’auteur d’utiliser un tel artifice pour apporter la réponse aux enquêteurs et aux lecteurs, c’est encore une fois la chance qui va donner la solution toute cuite dans le bec de chacun.
Dommage tout de même, car le reste était à la hauteur de ce que l’on est en droit d’attendre d’un bon récit policier fasciculaire de la part d’un auteur maîtrisant à la fois le genre et le format.
Au final, une agréable surprise que ce récit (notamment comparé aux aventures de l’inspecteur Doublet à travers le monde) qui démontre que Jean Normand maîtrisait à la fois le genre et le format, un peu trop, même, en usant d’un artifice un peu gênant pour résoudre son enquête au plus vite.
Le cheveu blond
Je poursuis ma découverte de l’œuvre policière de l’écrivain Raoul Anthoni Lematte (1885-1956) plus connu sous ses pseudonymes, Fernand Petit, Jacques Liénart, probablement Maurice Dubreuil et, surtout, Jean Normand.
C’est sous ce dernier pseudonyme qu’il signa la plupart de ses récits policiers et, notamment, celui du jour : « Le cheveu blond », un fascicule de 20 pages paru en 1945 dans la troisième série de la collection « Police-Express » des éditions S.E.G.
Pour rappel, Raoul Anthoni Lematte fit des études de droit, mais fut surtout influencé par son expérience dans l’administration pénitentiaire en Guyane qui lui inspira plusieurs récits d’aventures et, notamment, sa série « Inspecteur Doublet à travers le monde ».
LE CHEVEU BLOND
Monsieur Maindrelle a été assassiné à coup de matraque durant la soirée, pour lui voler les quelques billets qu’il gardait sur lui.
La suspicion se porte immédiatement sur son neveu, Lavarde, un peintre sans le sou. La veille, il était venu lui réclamer de l’argent et avait soupé avec lui.
Mais l’inspecteur Foulon, chargé de l’enquête, découvre un cheveu blond près du corps qui le pousse à envisager l’hypothèse d’un crime de hasard et, surtout, à trouver un autre coupable.
Heureusement pour Foulon, il va pouvoir s’appuyer sur les carnets anthropométriques D.K.V. de la police…
Un jeune peintre sans le sou est accusé de l’assassinat de son riche oncle. La victime est retrouvée morte au petit matin, la veille au soir, le peintre mangeait avec elle.
Si tout porte à croire à la culpabilité du peintre, l’inspecteur Foulon, après avoir trouvé un cheveu blond sur la scène de crime, se lance sur une autre piste.
Nouveau récit, nouvel enquêteur, il semblerait que l’auteur ne cherche pas à user d’un personnage récurrent (à moins que ces changements soient induits par le jeu des rééditions et réécritures afin de multiplier les cachets).
Peu importe, d’ailleurs, car, dans ces formats courts, les personnages sont tellement survolés qu’ils peuvent être interchangeables.
Et, court, le texte du jour l’est puisqu’il n’atteint même pas les 7 500 mots.
Mais court ne veut pas dire inintéressant et « Le cheveu blond » est, justement, intéressant à plus d’un titre.
Tout d’abord parce qu’il est mieux maîtrisé que les textes de l’auteur que j’ai lu précédemment.
Effectivement, ici, je ne me suis pas heurté aux répétitions que je reprochais à Jean Normand (à moins que je fus suffisamment captivé par le récit pour ne pas m’en apercevoir).
Si l’intrigue est classique et simple, si la narration est linéaire (comme presque toujours dans ce format et à cette époque) c’est avant tout et surtout par l’évocation, durant l’enquête, de l’importance du bertillonnage dans la recherche et l’identification des malfaiteurs qui est intéressante.
Et, plus encore, c’est la mise en avant des cahiers D.K.V., listant les photos anthropométriques de criminels ainsi que des descriptions physiques les concernant qui m’ont fortement captivé.
Car, c’est bien la première fois, me semble-t-il, que je lis un texte abordant le sujet de ces fameux cahiers (du moins dans un tel format).
Si, jusqu’à présent, il n’était pas rare de tomber sur quelque évocation sur le travail de Bertillon, l’initiateur de la Police Scientifique (dont le travail immensément important peut être remis en question sur certains points) voire même sur les fameux « portraits parlés », que l’on retrouve, par exemple, dans certains romans de Simenon et l’importance, désormais totalement oubliée, de la forme des oreilles chez les individus, il ne me semble pas que ces fameux cahiers D.K.V. eurent été abordés dans mes petites lectures.
Malheureusement, concision du texte oblige, le sujet n’est qu’effleuré, mais suffisamment intéressant et passionnant pour donner au récit une saveur particulière, un certain réalisme, que n’avaient pas, jusqu’ici, les récits de Jean Normand (ni même ceux de la plupart des habitués du fascicule policier).
Au final, un récit policier qui, malgré sa forte concision, est bien plus intéressant que d’ordinaire du fait d’un sujet rarement abordé...
Le coup d'ongle
Je poursuis ma découverte de la production policière de Jean Normand, dont j’avais découvert la plume avec sa série « Inspecteur Doublet à travers le monde ».
Pour rappel, Jean Normand est le pseudonyme de Raoul Anthoni Lematte (1885-1956) aussi connu sous le pseudonyme de Fernand Petit. Il travailla dans l’administration pénitentiaire de Guyane, ce qui lui inspira de nombreux récits d’aventures dont, notamment, la série suscitée.
Désireux de découvrir la plume de l’auteur dans un genre purement policier, je me suis donc penché vers des titres issus de collections fasciculaires policières.
« Le coup d’ongle » est un fascicule de 32 pages paru en 1942 dans la collection « Police-Express » des éditions A.B.C. (n° 15 de la collection).
On notera que l’auteur a publié une version remaniée de cette histoire en 1945 dans la collection « Justicia » des éditions Chantecler, titré « Le secret de la danseuse ».
LE COUP D’ONGLE
La vieille Madame Tourel a été assassinée à coup de matraque pour lui voler ses bijoux de valeur.
La suspicion se porte immédiatement sur Sylvia Darol, future belle-fille de la victime, qui après avoir dîné avec Madame Tourel, est montée dans la chambre de celle-ci pour admirer les fameux joyaux.
La jeune femme étant une joueuse invétérée, l’inspecteur Jouvin, chargé de l’enquête, voit là un bon mobile au crime.
Pourtant, au sortir de l’interrogatoire, le policier, devant l’assurance de son interlocutrice, a bien du mal à croire en sa culpabilité.
Mais, si toutes les réponses de Sylvia Darol semblaient sincères, il est un sujet sur lequel Jouvin est certain qu’elle a menti : l’origine de son égratignure au cou…
Dans une boîte du bord de Manche, durant la saison estivale, se produit une danseuse renommée, Sylvia Doral. L’inspecteur Jouvin ainsi que son ami le journaliste Brocard assistent tous les deux au spectacle sans se douter que la jeune femme sera bientôt sous les feux de l’actualité pour un évènement plus funeste. En effet, celle-ci se retrouve accusée du meurtre de la tante de son futur mari. Elle l’aurait tué d’un coup de matraque alors que la vieille dame lui montrait ses beaux bijoux dans sa chambre.
Jouvin, lors de l’interrogatoire de la suspecte, trouve ses dénégations fort crédibles et assénées d’une voix assurée. Pourtant, il est certain qu’elle a menti au moins sur un point, sur l’origine d’une égratignure qu’elle porte au cou…
Nouveau texte, nouveau personnage. C’est au tour de l’inspecteur Jouvin d’enquêter dans ce récit.
Contrairement au précédent récit policier lu de l’auteur, ici le style semble un peu plus fluide (peut-être ce récit n’est-il pas issu d’une réécriture d’un texte antérieur comme c’était le cas dans ma lecture précédente). Pourtant, on retrouve un même défaut, les quelques répétitions qui parsèment le récit. En effet, il n’est pas rare de trouver deux ou trois fois le même mot dans une même phrase alors qu’il était facile de les éviter.
Mis à part ça, on retrouve les défauts inhérents au format du fascicule de 32 pages : des personnages peu ou pas développés, une intrigue simple pas toujours cohérente (la justification de la matraque, par exemple), mais qui n’entache pas une telle lecture tant on sait à quoi s’attendre en attaquant un récit de moins de 10 000 mots (9 600 en l’occurrence).
Pour le reste, la lecture est donc plus fluide, le plaisir un peu plus marqué, même si on est loin des sommets atteint par certains spécialistes du genre et du format.
Au final, un récit court, une intrigue simple, des personnages flous, une lecture agréable, mais rien de plus.
Brelan d'As
« Le Brelan d’As » est un fascicule de 32 pages paru en décembre 1941 dans la collection « Police-Express » (n° 5 de la collection).
Le texte est signé Jean Normand, un pseudonyme de l’écrivain Raoul Anthoni Lematte (1885-1956) qui travailla dans l’administration pénitentiaire en Guyane, expérience de laquelle il tira l’inspiration pour certains de ses récits dont, notamment, la série « Inspecteur Doublet à travers le monde » dont j’ai déjà chroniqué les 14 épisodes.
N’ayant ni été particulièrement séduit ni rebuté par ces récits qui n’avaient pas grand-chose de policier (malgré le terme « inspecteur ») et qui se déroulaient tous en Amérique du Sud (malgré le « à travers le monde »), j’étais un peu curieux de découvrir l’auteur à travers un récit purement policier.
C’est désormais chose faite avec « Le Brelan d’As ».
Pour précision, ce texte a été réédité, dans une version remaniée (changement de noms et légères modifications) fin 1945 dans la « Collection Justicia » des Éditions Chantecler, sous le titre « Le dernier Banco ».
Mais, indéniablement, « Le Brelan d’As » est également une réédition remaniée et raccourcie d’un texte précédemment paru, car on en trouve trace dès 1940 dans un magazine québécois. D’ailleurs, le titre du récit paru dans le magazine « Poker d’As » laisse à penser qu’il s’agit de la réédition de « Au Poker d’As », un fascicule de 64 pages paru dans la collection « Police et Mystère » des éditions Ferenczi qui doit contenir environ 17 000 mots...
BRELAN D’AS
Fernand Sauval a été assassiné au petit matin au sortir du « Brelan d’As », un cercle de jeux.
L’inspecteur Vidrac est chargé d’une enquête simple… en apparence.
Car, près de la victime, un pistolet a été retrouvé. Sur la crosse de celui-ci, les initiales R. M. dénoncent son propriétaire, Robert Marvel, un joueur malchanceux ayant également passé la soirée au « Brelan d’As ».
Mais le policier est convaincu de l’innocence de ce dernier et sent que le patron du « Brelan d’As » cache quelque chose…
Un homme est mort après avoir beaucoup gagné dans un cercle de jeux. Bien qu’étranglé dans la nuit, alors qu’il rentrait chez lui, des témoins ont entendu deux coups de feu. D’ailleurs, un pistolet a été retrouvé près du corps, dont la crosse est gravée aux initiales R. M. Et comme par hasard, un joueur malchanceux se nommant Robert Marvel se trouvait, ce soir-là, dans le même cercle de jeux. Du pain béni pour la police et particulièrement pour l’inspecteur Vidrac chargé de l’enquête.
Pourtant, le policier ne s’arrête pas aux évidences et est persuadé de l’innocence du suspect…
Je découvre donc Jean Normand dans un texte purement policier qui a les inconvénients inhérents au format fasciculaire : concision extrême de l’intrigue, personnages survolés, chance et délations ou confessions guidant l’enquêteur.
Pour autant, malgré ces défauts, certains auteurs, dont Charles Richebourg ou Maurice Lambert, sont parvenus à exceller dans ce format.
Ce n’est pas le cas de Jean Normand, du moins pas avec ce texte-ci.
Effectivement, son texte n’atteint jamais des sommets, ni par les personnages, ni par l’intrigue, ni par le style.
On ne le lui reprochera pas, l’exercice est difficile.
Pour autant, Jean Normand ne sombre ni dans le grand-guignolesque, ni dans le ridicule, ni dans l’indigent. Il se contente de faire le boulot en proposant aux lecteurs un récit pas déplaisant à lire, mais loin d’être inoubliable.
Forcément, l’intrigue dans son élaboration comme dans sa résolution comporte des lacunes et on peut s’étonner de certains agissements des personnages (notamment le ou les méchants de l’histoire).
Pour le reste, on notera quelques répétitions facilement évitables, mais qui n’ont pas été évitées (comme la présence du verbe suivre trois fois dans la même phrase) que l’on aurait pu mettre sur le compte d’une écriture rapide et d’un manque de temps pour une relecture si ce texte n’était pas le résultat d’une réécriture (comme je l’ai si subtilement démontré).
Rien de bien transcendant, donc, juste un petit texte policier d’environ 10 000 mots comme on en trouve beaucoup dans la littérature fasciculaire de l’époque. Ni meilleur ni pire.
Au final, un petit récit policier qui se lit vite et bien, mais qui ne marquera pas les esprits ni par la subtilité de son intrigue ni par la qualité de la plume de l’auteur.
L'inexplicable vol
Paddy Wellgone est un des multiples détectives qui firent les beaux jours de la littérature populaire.
Son créateur se nomme Henry-Georges Jeanne (1877-1947) plus connu sous le pseudonyme de H.-J. Magog pour ses nombreux récits abordant différents genres : sentimental, fantastique, aventures, policier.
Le personnage apparaît en 1912, dans le roman-feuilleton « L’énigme de la malle rouge » paru dans un journal avant d’être réédité de multiples fois, aussi bien dans les journaux qu’en roman papier, en France et à l’étranger, souvent sous le même titre et signé H.-J. Magog, mais aussi sous le titre de « Le cadavre dans le tunnel », signé Paddy Wellgone lui-même.
Par la suite, on retrouve le personnage dans des fascicules de 32 pages de la collection « Le Roman Policier » des éditions Ferenczi dans les années 1920 (réédités dans la collection « Police et Mystère » du même éditeur dans les années 1930).
D’autres titres n’apparaissent que dans la seconde collection, avant d’être réédités chez les éditions R. Simon en étant signés d’un autre pseudonyme de l’auteur : Yves Chorsin.
« L’inexplicable vol » est de ces derniers.
Publié une première fois dans la collection « Police et Mystère » en 1936, il sera réédité chez R. Simon en 1941.
L’INEXPLICABLE VOL
Maître Pierrot est anxieux : son auberge accueille une clientèle nombreuse.
Ce soir, étrangement, il aurait aimé que les gens fuient son établissement, car il détient, dans son coffre-fort, la dot de sa fille.
Or, malgré cette mauvaise réception, deux personnes insistent pour manger et dormir sur place : un monsieur bien mis et un jeune paysan.
Le lendemain matin, quand maître Pierrot se réveille, il a la désagréable surprise de constater que l’argent a mystérieusement disparu. Pourtant, il avait pris ses précautions en bloquant tous les accès à l’hostellerie et en fermant à clé les chambres des récalcitrants.
Les gendarmes appelés pour mener l’enquête suspectent immédiatement le rustaud, mais le bourgeois, bien qu’innocenté, décide de rester pour faire la lumière sur l’affaire et se présente : Paddy WELLGONE, le célèbre détective…
Maître Pierrot tient une petite auberge réputée pour son bon accueil. Mais, ce soir-là, Maître Pierrot semble affolé et tente de mettre tout le monde dehors de son établissement. Pourtant, deux voyageurs refusent de quitter les lieux et Maître Pierrot est bien obligé de les nourrir et les coucher, ce qui l’angoisse terriblement, car il renferme dans son coffre la forte dot pour le mariage de sa fille.
Le lendemain matin, en se réveillant, Maître Pierrot se rend compte que son coffre a été ouvert et que l’argent a disparu. Comment cela est-il possible ? Pour arriver au coffre, il aurait fallu pénétrer dans le bâtiment dont il avait bloqué toutes les issues, traverser la chambre de sa fille, puis pénétrer dans la sienne et le tout sans réveiller personne. Or, l’enquête démontre que rien n’a été fracturé et que le voleur se trouvait forcément dans l’auberge. Aussitôt, les soupçons se portent sur les deux voyageurs. L’un semble un monsieur bien, l’autre, un paysan un peu vindicatif. Forcément, les soupçons se portent sur le second. Mais le premier décide de prendre les choses en main, car il s’agit du célèbre détective Paddy Wellgone…
H.-J. Magog est un auteur qui m’intrigue. Il est capable de livrer d’excellents romans policiers, modernes (pour l’époque) dans le style, le genre ou la narration, et ce tant au début de sa carrière (voir « L’énigme de la malle rouge », la première enquête de Paddy Wellgone) qu’à la fin de sa carrière (voir « Un monsieur de Vichy », une enquête de l’inspecteur Sive).
Et, à côté de cela, Magog est également capable de livrer des récits policiers naïfs tant dans leur intrigue que dans le genre ou le sujet.
« L’inexplicable vol » est à classer dans cette seconde partie comme la plupart des enquêtes de Paddy Wellgone (sauf la première).
Effectivement, l’intrigue s’appuie sur un sujet qui, s’il était à la mode à l’époque, semble bien naïf à l’aulne des connaissances actuelles. Mais c’est surtout dans le traitement de l’affaire, dans le déroulé de l’histoire, dans la narration que cette naïveté est omniprésente.
Quand je parle de naïveté, peut-être devrais-je plutôt dire désuétude, suranné, tant l’aspect un peu vieillot de l’ensemble contribue à cette impression.
Or, quand on se réfère aux deux exemples précités, on sait que l’auteur était capable d’éviter ce côté un peu simpliste et poussiéreux de sa plume.
Certains trouveront que cet aspect donne du charme aux textes, d’autres, comme moi, regretteront un peu ce manque d’ambition, surtout quand on sait l’auteur capable de proposer bien mieux.
Pour autant, ce récit de 20 000 mots se lit sans déplaisir même si l’intrigue peut faire sourire et, notamment, sa résolution.
Au final, un épisode dans la lignée des précédents, mais bien loin de l’excellence du tout premier.
Quand les spectres assassinent
Je poursuis ma découverte des aventures d’Edward Warency, surnommé L’Ange à cause de ses cheveux blonds bouclés, de son sourire un peu naïf et de son visage de poupon, un personnage créé par Louis-Roger Pelloussat (1911-1980) dont il signe les récits de son pseudonyme Paul Tossel.
Le personnage de L’Ange est un mélange de Robin des Bois et d’Arsène Lupin, un voleur, mais qui ne vole que les gangsters et qui, quand il le peut, rend l’argent à ceux qui en avaient été délestés par ses victimes...
Le personnage apparaît en 1946 (et disparaît en 1957) dans la collection de fascicules de 32 pages « Mon Roman Policier » des éditions Ferenczi.
Il vécu 23 aventures.
Peu de choses à dire sur l’auteur si ce n’est qu’il usa également du pseudonyme de Gabriel Gay et que toute sa production a été destinée à un seul éditeur : Ferenczi.
QUAND LES SPECTRES ASSASSINENT
Edward Warency alias « L’Ange » est fort étonné de reconnaître, dans la danseuse vedette du music-hall dans lequel il est venu assister à un spectacle, une jeune femme qu’il sauva, il y a dix ans, des griffes d’un terrible gangster.
L’artiste ayant repéré « L’Ange » dans le public, lui fait parvenir une invitation à la rejoindre dans sa loge.
Là, elle lui avoue son soulagement de le voir, car elle pense que sa vie est en danger et elle compte une nouvelle fois sur son aide.
Edward Warency, attiré par une affiche, entre dans un music-hall pour assister à un spectacle. Dans la danseuse principale, il reconnaît une jeune femme qu’il sauva il y a dix ans en lui permettant d’échapper à un terrible gangster.
Mais celle-ci le reconnaît également et semble troublée et soulagée de le revoir. Effectivement, elle pense que sa vie est encore en danger et demande à L’Ange de la sauver à nouveau. Edward Warency lui donne donc rendez-vous chez lui après le spectacle, mais, alors qu’il traîne autour de la voiture de l’artiste, il repère l’inspecteur Kenneth Hartling, son ennemi juré, en train de se cacher à l’intérieur. Peu de temps après, il remarque une silhouette qui installe une bombe sous ladite voiture…
On retrouve donc, comme à chaque fois, le trium vira de la série. Edward Warency et Diana Deel, sa compagne et partenaire, d’un côté, l’inspecteur Kenneth Hartling, son ennemig juré, de l’autre.
Rien de nouveau, donc, on sait déjà à quoi s’attendre, mais la surprise ou l’innovation n’est pas ce que l’on attend de la série ni des collections fasciculaires.
Paul Tossel propose épisode de 9 300 mots dans la veine des précédents avec une intrigue simple et linéaire durant laquelle L’Ange va vaincre le méchant, le livrer à Kenneth Hartling tout en s’étant moqué de ce dernier et rempli les fouilles au passage.
C’est donc le cas encore une fois.
Cette fois-ci l’intrigue se mélange un peu le drame sentimental, l’espionnage, le chantage et les menaces de mort.
Mais le tout ultra concentré, de manière à ce qu’aucun de ces éléments ne puisse être développé.
En résulte un petit récit qui se lit vite et bien, mais qui ne marquera pas la littérature et qui sera vite oublié… mais n’est-ce pas la destination de la plupart de ce genre de récits...
Au final, la série se poursuit sans se renouveler, mais sans lasser et c’est déjà pas mal.
Tueurs de flics
Comme, peut-être, je ne lis que du roman policier de langue française pour ne pas être confronté aux divers problèmes de traduction (voir celle de « pop 1280 » de Jim Thhompson, par exemple) et être certains de lire ce que l’auteur voulait dire et ce qu’il a écrit sans passer par une interprétation puisque le traducteur est un traître comme dit une locution italienne.
Bref. Des auteurs de romans policiers de langue française il y a en tant que, de toute façon, je n’en ferai jamais le tour même si je devais faire un centenaire.
Dans ce genre particulier, je ne dédaigne pas, au contraire, les auteurs de la vague Néo-Polar même s’il semblerait que j’ai un petit problème avec certains d’entre eux.
J’adore Jean-Bernard Pouy et A.D.G. (c’est dire si je fais le grand écart littéraire), Thierry Jonquet, Marc Villard… mais semble avoir un petit souci avec certains grands noms de ce genre littéraire.
Effectivement, j’ai parfois du mal à apprécier des romans de Jean-Patrick Manchette (alors que ses deux romans avec Eugène Tarpon font partie de mes romans préférés), Pierre Siniac, Jean Vautrin et… maintenant, apparemment, Frédéric H. Fajardie.
Ce dernier auteur, je l’avais découvert en lisant « Polichinelle mouillé », une enquête du commissaire Padovani.
Ma lecture était pour le moins mitigée, appréciant quelques facettes de la plume de l’auteur, mais étant, dans l’ensemble, assez dubitatif quant au reste.
Comme je suis magnanime et, surtout, que j’ai conscience de ma capacité à commettre des erreurs et à passer à côté des choses, j’ai décidé de remettre le couvert et, cette fois-ci avec la toute première enquête du commissaire Padovani qui est en même temps le premier roman de l’auteur.
Écrit en 1975, ce roman est paru en 1979 tant l’auteur eut du mal à convaincre un éditeur.
Tueurs de flics :
Tuer les flics, comme ça, c’est déjà bizarre, mais les découper en lamelles, en faux-filets, en fines tranches et finir par les bouffer, ça vous a carrément un côté farce.
Sauf que ces trois types étaient plutôt du genre pince-sans-rire.
Le commissaire Padovani a commis une bourde lors d’une prise d’otages, il est prié de démissionner par son supérieur. Ce dernier accepte, mais à une seule condition, d’attendre qu’un dossier qui lui tient à cœur soit bouclé, celui des « Tueurs de flics » une bande qui s’amuse à torturer et à assassiner des policiers…
Que dire de ce premier roman ? Qu’il reflète un peu, beaucoup, ce que sera le 4e que j’ai lu.
Effectivement, je peux faire les mêmes reproches (un peu amplifiés) à ce premier opus.
En tout premier, que l’auteur mélange un peu les genres, mais que les ingrédients sont mal dosés et mal mélangés ce qui rend l’ensemble un peu indigeste par un manque de cohérence.
La première scène est représentative de ce mal avec cette prise d’otages dans un magasin par un forcené déguisé en paquet de lessive et qui n’a pas toute sa tête à lui.
Par moment, cette scène frise le loufoque (alors que l’on est dans un roman noir), sans jamais se laisser totalement aller.
Et il en sera de même durant tout le roman. Par moments, on sent une pointe d’humour décalé dépasser et accrocher la lecture, la rendant moins fluide.
Dans le noir, on sent également que, malgré le sujet glauque, l’auteur n’ose pas aller à fond non plus dans cette direction.
Quant à la dénonciation des travers de la société (qui définit en partie le genre), la réserve est la même.
Ne sachant quelle direction prendre, le récit, heureusement très court, navigue à vue sans jamais pointer vers un cap défini, se perdant en cours de route et perdant le lecteur que je suis.
Heureusement pour l’auteur (qui n’en a plus rien à faire depuis qu’il est mort en 2008), ces écueils ne semblent déranger que moi et n’empêchent pas Fajardie d’avoir des aficionados et c’est tant mieux, car c’est tout le sel d’un art de n’être point perçu par tout le monde de la même manière.
L’intrigue est simple pour ne pas dire simpliste. Je ne m’étendrais pas dessus.
Le style littéraire : l’auteur alterne les narrations à la première personne avec le commissaire Padovani comme narrateur et les narrations à la troisième personne. Les phrases sont parfois concises, dans une volonté d’être percutantes, mais là aussi l’alternance n’est pas toujours fluide.
Quant aux personnages ? Bin, le commissaire Padovani est légèrement esquissé et seuls son amour pour sa femme Francine et son attirance pour les êtres marginaux le rendent réellement attachant. Les tueurs, eux, auraient pu être un atout s’ils avaient été un peu mieux cernés, si ce n’est leurs psychologies, du moins, leurs mobiles. Reste le personnage de Ouap, un peu plus intéressant, mais finalement assez peu utilisé.
Au final, peut-être dois-je me faire à l’idée que je ne suis pas fait pour lire du Fajardie et puis c’est tout.