La nuit de l'araignée
J’ai très récemment, trop récemment, découvert la plume de Mario Ropp, un auteur ayant fait les beaux jours de la collection « Spécial Police » des éditions Fleuve Noir entre 1957 et 1983.
Derrière ce pseudonyme masculin de Mario Ropp, se cachait en fait une femme, Marie-Anne Devillers (1917 - 2007).
Je ne reviendrai pas sur la masculinisation des pseudonymes d’auteurs femmes de romans policiers, pratique quasi nécessaire, à l’époque, pour trouver un contrat auprès d’un éditeur et, surtout, des lecteurs…
Mario Ropp, bien que désormais méconnu, à part des aficionados des éditions Fleuve Noir, eut pourtant belle presse, à l’époque.
Un de ses romans fut même adapté à la télévision en 1967 : « Ne fais pas ça, Isabella ».
« La nuit de l’araignée » est un roman paru en 1968 dans la collection « Spécial Police » des éditions Fleuve Noir.
La nuit de l’araignée :
Une araignée, c’est un animal qui effraie, rebute la plupart des gens, mais il en est pourtant que son inquiétante laideur attire ou fascine et qui ne savent pas éviter de se laisser prendre à la traîtrise de sa toile.
Il en est, également, qui se posent des questions sur la « mentalité » d’une araignée. Les raisons sont trop subjectives, qui poussent à considérer cette bête comme répugnante.
II suffit de réfléchir un peu pour se rendre compte qu’elle a sa raison d’être, comme tout en ce monde et ce sont là les insolites réflexions que l’officier de police Armaud Paoli en vient à se faire, bien malgré lui, et qui finissent par le conduire très loin sur le chemin de la vérité.
Arnaud Paoli, policier de son état, prend un petit congé pour venir voir sa mère qui habite dans l’Yonne.
Dans le train, il remarque une belle femme qui, avant le départ, discute avec ce qui semble être son petit ami. Il surprend quelques bouts de la conversation banale entre les deux personnes et apprend qu’elle s’appelle Chantal.
Chez sa mère, le lendemain, dans le journal, il remarque le portrait d’une femme retirée de l’eau, un suicide, conclut la police. Mais Paoli reconnaît dans la défunte la fameuse Chantal. Son instinct et ce qu’il a entendu et vu dans le train lui laissent penser que cette femme n’a pu se suicider. Il décide donc de mener sa petite enquête qui le conduit à un petit hameau formé d’une ferme et d’une maison, maison dans laquelle Chantal était obligée de vivre, en hiver, pendant six mois pour toucher l’héritage de sa tante excentrique.
Mais quand on est habituée à vivre à Paris, se retrouver seule dans une vieille maison sans confort, en plein milieu de la neige, voilà qui n’est pas chose aisée. D’autant que l’oncle mort il y a quelques années était passionné d’araignées et que, dans la maison, on ne tue pas ces petites bêtes.
Et des araignées, Paoli va en croiser, surtout une, la plus dangereuse, la plus hypnotique, une jeune femme laide et sèche habitant la ferme…
N’ayant lu que deux romans de Mario Ropp, je ne vais pas pouvoir faire de généralités sur sa plume et ses « obsessions » ne doutant pourtant pas que, comme tout auteur, Mario Ropp n’ait pu s’empêcher d’aborder frontalement ou par la bande des sujets qui le touchaient de près.
Pourtant, il y a deux points communs entre les deux romans, « Un cheveu très long » et « La nuit de l’araignée ».
Tout d’abord, le personnage principal. Policier (normal dans un polar), jeune, célibataire, très attaché à sa mère (même si celle-ci est morte dans le premier) et qui est attiré, non pas par la belle du roman, mais par la moche. Une attirance qui devient rapidement obsessionnelle.
Dans les deux romans, on retrouve pourtant des portraits de belles femmes, mais pas toujours de bonnes femmes ou, plutôt, des femmes à la bonté évidente.
Idem, les deux intrigues semblent n’être que prétexte à aborder les relations hommes-femmes, tout du moins, l’intrigue policière est composée de sous-intrigues sentimentales, sous-intrigues qui sont pourtant le cœur de l’histoire.
Dans les deux cas, l’intrigue réelle s’avère, au final, plutôt simple et ce ne sera pas réellement le point fort du récit.
Non, la plume de Mario Ropp s’intéresse plus à l’ambiance, au trouble des relations sentimentales, aux attirances répulsions, sans jamais sombrer dans le graveleux ni dans le rose ni dans le sentimental.
Mario Ropp semble chercher à prendre le lecteur dans sa toile, comme une araignée la mouche. Et le lecteur, tel Paoli face à la jeune femme surnommée l’araignée du fait de son corps long et maigre et de sa « laideur », est hypnotisé par cette plume, par cette ambiance.
D’autant que l’auteur nous plonge sous une douche écossaise entre le feu intérieur des personnages (rage, haine, attirance) et le froid prégnant d’un paysage campagnard sous la neige, principalement dans la nuit.
Alors, certes, on ne peut s’empêcher, à la lecture, pour les inconditionnels, comme moi, du polar, que ce roman, tout compte fait, n’a pas grand-chose de policier. Et, pourtant, tel le lapin pris dans les phares d’une voiture, impossible de fuir, on attend inéluctablement la fin pour refermer le livre.
Nul doute qu’il y a beaucoup à dire d’un point de vue psychologique, sur ce récit et probablement les autres de l’auteur. Mais, si on ne s’attache qu’à la dimension littéraire, force est de constater que Mario Ropp, Marie-Anne Devillers, avait une très belle plume, qu’elle la trempe dans le feu ou dans l’eau froide…
On notera au passage la volonté de l’auteur de décrire des paysages de l’Yonne, département dans lequel elle vécut et dans lequel elle est morte.
Au final, un roman qui agit sur le lecteur comme une araignée avec une mouche, il vous prend dans sa toile et ne vous lâche plus jusqu’à vous avoir dévoré.
P.S. Faut-il encore souligner l’excellence des illustrations du grand Michel Gourdon pour les collections Fleuve Noir ?