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Loto Édition
10 septembre 2023

Signé "L'Affreux"

CHM05Je poursuis ma découverte de la carrière littéraire du commissaire Henri Merville avec le titre « Signé L’Affreux ».

Pour rappel, Henri Merville est un personnage né de la plume de Lydie Servan (mais dont certaines aventures sont signées par d’autres pseudonymes de cet énigmatique auteur comme Louis Hellais et Luc Vattier), qui apparaît dans la collection « Double-Six » de Nord Éditions en 1948 dans un fascicule de 64 pages, titré « L’assassin tombe à dix-neuf heures ».

Après quelques apparitions dans la même collection, on le retrouve quelques années après (à partir de 1953) dans la collection de fascicules de 96 pages « Le Verrou » des éditions Ferenczi.

« Signé L’Affreux » est un titre paru dans cette seconde collection, en 1955.

Quant à l’auteur, Lydie Servan, on ne sait rien d’elle si ce n’est quelques-uns de ses pseudonymes, dont ceux déjà cités.

SIGNÉ « L’AFFREUX »

Madame Valentine Jullien, riche veuve fondatrice d’une œuvre caritative aidant les déshérités à s’en sortir, ne donne plus signe de vie depuis plusieurs jours.

Le commissaire Henri MERVILLE, chargé de l’enquête, craint rapidement, devant le peu d’indices, de devoir clore l’affaire.

Mais après avoir fait publier, dans les journaux, la photo de la disparue, MERVILLE ne tarde pas à recevoir une lettre contenant le message suivant :

Inutile de chercher Valentine Jullien. Je l’ai tuée !

Signé : L’Affreux

Bientôt, d’autres personnes vont s’évaporer mystérieusement…

Le commissaire Merville est contacté par une personne venant lui signaler la disparition mystérieuse de Valentine Jullien, une riche veuve à la tête d’une association de bienfaisance et dont l’absence prolongée est suffisamment exceptionnelle pour être inquiétante.

Si ce cas n’inquiète pas trop Merville au départ, quand, après avoir fait paraître des avis de recherches dans les journaux, il reçoit une missive signée « L’Affreux » lui indiquant qu’il est inutile de rechercher la disparue parce qu’il l’a tuée, l’affaire devient plus sérieuse et plus prenante. Mais, devant le peu d’indices, Merville craint de devoir classer l’affaire quand un collègue de la Mondaine lui fait part de la disparition mystérieuse d’une prostituée nommée Mona.

Alors, l’instinct de Merville lui dit de faire le rapprochement entre les deux affaires et quand des avis de recherches sont lancés dans les journaux, une deuxième lettre arrive au commissariat, toujours signée « L’Affreux » prévenant qu’il est inutile de chercher Mona, car il l’a tuée.

Et L’Affreux ne va pas en rester là…

Bien étrange court roman que ce roman-ci.

Étrange, déjà, car il confirme une évidente homophobie de la part de l’auteur, homophobie qui devait être, certes, partagée par un public large à l’époque (comme pouvaient l’être la vision des étrangers et celle des femmes), mais qui à l’aulne de notre évolution est choquante.

Car, si la chose n’est pas ponctuée d’épithètes outrageuses, si ce n’est celle de pédéraste, qui n’est choquante que par son aspect péjoratif, c’est avant tout le « dégoût » avancé par le commissaire Merville pour ceux qu’il considère comme des déviants, qui choque. Et ce d’autant plus que de « dégoût » est partagé par son épouse Hélène et donc, indéniablement, par son auteur.

Mais, quand on lit des textes de cette époque, il faut savoir passer outre la xénophobie, l’homophobie, la misogynie latentes qui sont une constante et qui démontrent que l’on s’est heureusement amélioré (pas assez pour certains) qu’on a évolué (pas dans le bon sens pour certains).

Étrange également par la construction de ce court roman (un peu plus de 28 600 mots) qui, s’il offre la part belle à l’enquête menée par Merville, laisse de la place, en fin d’ouvrage, après l’arrestation du coupable, au procès de celui-ci ou, plus exactement, à sa défense ou à la justification de ses actes pourtant odieux et cruels.

Cette part non négligeable semble destinée, de la part de l’auteur, à mettre en avant une sorte de morale mettant en opposition la beauté intérieure et la beauté extérieure et voulant, probablement, souligner qu’il faut s’accepter tel que l’on est et ne par chercher à changer au risque de s’empirer.

Étrange aussi, car, à l’aulne de la couverture, du moins de son illustration, au moment de l’arrestation du suspect, difficile de croire à sa culpabilité. Car celui-ci n’est pas Affreux, car celui-ci ne correspond pas à l’illustration proposée.

Étrange, enfin, car on ne sait jamais où l’auteur veut en venir, du fait de ces justifications qui semble être là pour « défendre » l’indéfendable, pour justifier l’injustifiable.

Alors, oui, le lecteur que je suis se pose des questions et un texte qui me pousse à me poser des questions est toujours, selon moi, un texte intéressant.

Mais ce récit est d’autant plus intéressant qu’il est mené d’une plume fluide et sans accroc à laquelle Lydie Servan nous avait déjà habitués dans ses titres précédents.

Et ce récit est également intéressant par la volonté de l’auteur de mettre en avant le personnage d’Hélène Merville, l’épouse du commissaire, qui, une nouvelle fois, sera à l’origine de l’identification du coupable et aura donc eu une place prépondérante dans l’enquête.

Ce n’est donc pas, ici, le rôle de potiche ou de femme vénale et vénéneuse réservé à la plupart des personnages féminins de l’époque.

On peut également être surpris par l’aspect glauque des crimes, autant glauque par le choix de certaines victimes que par la façon dont le coupable se débarrasse des corps.

C’est donc un roman à plusieurs grilles de lecture, mais également à plusieurs ambiances que l’auteur nous propose avec ce titre, un choix assez rare dans la littérature policière fasciculaire pour être mis en avant.

Au final, un petit roman policier déroutant par son fond et sa forme peu en adéquation avec son format d’origine, mais qui se révèle agréable à lire pour peu que l’on passe sur le traitement péjoratif de certaines communautés, un fait malheureusement « normal » à l’époque.

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