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Loto Édition
8 mai 2013

L'écrivain est un commercial comme un autre

68793252Être écrivain ne consiste pas qu'à demeurer devant son ordinateur ou sa feuille et écrire. Non, ce serait à la fois trop facile et trop compliqué.

À part pour les auteurs dont l'ouvrage provoque le « buzz » inexplicablement et qui peut se permettre de rester chez soi en sachant que son œuvre se vendra sans qu'il n'intervienne, pour les autres, le métier d'écrivain passe, aussi, par la « criée ». Entendez par là que l'auteur va devoir courir de salons littéraires en salons littéraires, de séances de dédicaces en séances de dédicaces et, pour les plus chanceux, de stations de radios en plateaux de télévision pour promouvoir son roman.

Quand on est au chaud, dans son fauteuil, devant la télévision, il n'est pas rare de se moquer de ses acteurs qui, d'émission en émission, nous abreuvent du même discours, au mot près, à l'exacte même virgule. On se dit alors que cet artiste ne fait pas un grand effort pour diversifier son discours.

Cependant, quand on est au chaud, dans son fauteuil, on ne se doute pas du côté parfois répétitif, rébarbatif, de la promotion.

Pour connaître cet aspect, à petite échelle, tentant de vanter mes ouvrages, d'évènements littéraires en évènements littéraires, je conviens aisément que la pratique n'est pas facile.

Écrivain est un métier de plume dans lequel il vaut mieux être bien emplumé au risque de se faire déplumer. Cet aphorisme, si tant est que sa longueur lui concède encore ce statut, n'a d'autre but que d'expliquer que le métier est rude et qu'il faut être bien préparé et avoir un bon moral pour ne pas risquer de déprimer et de baisser les bras.

Pour le commun des mortels, en dehors de l'écrivain, qui est lui aussi un commun mortel, mais qui, lui, sait, écrire est un métier assez facile, physiquement et moralement puisqu'il consiste à rester le cul dans son fauteuil et écrire ce qui lui passe par la tête.

Oui, mais non, l'écriture n'est qu'une partie du travail de l'écrivain. Une fois son ouvrage effectué, encore faut-il le vanter pour le vendre.

Et c'est là que débute un autre métier qui n'est pas loin de celui d'animateur commercial.

Là encore, trois possibilités :

1) Vous êtes un auteur édité et vous participez à la manifestation sur le stand de votre éditeur :

À moins d'un accord particulier, vous vous exposez plus pour vous faire connaître que pour gagner de l'argent puisque vous ne toucherez que les droits d'auteurs prévus pour chaque vente de vos ouvrages. Autant dire qu'il faut une bonne dose de motivation.

2) Vous êtes un auteur édité, mais vous participez à la manifestation sur votre propre stand et vous vendez des romans achetés à votre éditeur :

Normalement, vous avez acheté vos ouvrages auprès de votre éditeur avec une remise de 40 % (c'est ce qui se fait en général) et donc vous ne vendez plus vos ouvrages pour toucher les 10 % de droits d'auteur, mais pour toucher 40 % du prix du livre.

La motivation est alors plus grande puisque vous gagnez plus, mais le travail reste le même.

3) Vous êtes un auteur autoédité et vous participez donc à la manifestation sur votre propre stand :

Attention, sachez que les organisateurs de manifestations littéraires sont de plus en plus réticents à inviter des auteurs autoédités.

Pourquoi ? Parce que, et même si ce n'est pas une généralité, un ouvrage autoédité a de fortes chances de ne pas être issu d'un travail éditorial digne de ce nom.

Alors, bien sûr, il est des ouvrages autoédités bien meilleurs, en tout point, que certains livres proposés par de vrais éditeurs, mais dans l'ensemble, la balance penche en la défaveur de l'autoédition à cause du nombre croissant d'ouvrages de piètre qualité proposés par des auteurs qui n'ont pas encore atteint une certaine maturité scripturale.

Cependant, dans ce cas, vous toucherez non pas 10 % ou 40 % de chaque livre vendu, mais la différence entre le prix de vente et le coût unitaire d'impression.

Si vous avez fait imprimer votre ouvrage à quelques centaines d'exemplaires et si votre imprimeur vous fait un prix correct, le coût unitaire d'impression sera en deçà des 4 euros, voire même 3 euros.

Cependant, encore, attention ! Si les organisateurs sont réticents envers les auteurs autoédités, certains lecteurs le sont aussi. Du moins pour les plus aguerris puisque beaucoup ne connaissent pas la différence entre l'édition et l'autoédition.

Pour convaincre ces derniers, les arguments seront les mêmes qu'un auteur édité, par contre, pour convaincre les premiers lecteurs, il faudra, en plus de vanter les qualités de votre histoire, les rassurer quant à la qualité éditoriale, ce qui sera bien plus difficile.

Dans tous les cas, c'est devant le stand que débute ce tout autre métier que celui de commercial.

Si, déjà, à l'école, vous aviez du mal à l'oral, les prémices vont être difficiles. Cependant, je vous rassure, même atteint d'une timidité maladive, vous arriverez, au bout d'un certain temps, à vous libérer pour parler de ce que vous aimez, vos livres.

Admettons que vous soyez à l'aise à l'oral, soit naturellement, soit à force d'entrainement. Les premiers passants passent, c'est le propre du passant. Certains vous regardent de loin, de peur d'être accrochés, par timidité ou, peut-être, pour vous ennuyer, qui sait ! Vous aurez bien du mal à les attirer à vous malgré votre bonhommie (à condition d'en être pourvue), de votre sourire et de tout autre artifice que vous jugerez nécessaire.

Heureusement pour vous, d'autres passants sont moins distants. Donc, une personne s'approche, lit la quatrième de couverture de votre livre ou de vos livres. Il faut trouver le bon moment pour l'interrompre dans sa lecture afin de lui vanter les qualités de votre roman. Vous pouvez bien sûr compter sur l'accroche exceptionnelle de votre quatrième de couverture, sur l'excellence de votre première de couverture, mais, si vous êtes encore un inconnu, ces informations risquent d'être encore un peu faibles pour motiver le passant à dépenser plus d'une dizaine d'euros, par ces temps difficiles, pour acquérir l'œuvre d'un anonyme.

Si vous intervenez trop tôt, vous risquez d'agacer le lecteur, trop tard, et il a déjà fui et n'est plus apte à vous écouter, déjà tout acquis aux œuvres du prochain stand, du prochain éditeur, du prochain auteur.

Bien, admettons encore que vous avez réussi à capter l'attention du badaud au bon moment. Encore vous faut-il développer le meilleur argumentaire possible.

À force de digressions vous finirez par détacher, petit à petit, les arguments qui font mouche. Attention, s'il y a des arguments qui fonctionneront sur quasiment tout le monde, il en est d'autres qui motiveront certains lecteurs, mais qui feront fuir les autres. C'est avec l'expérience que vous arriverez à déterminer le socle de votre argumentaire ainsi que les arguments supplémentaires à développer en fonction de votre auditoire.

Si votre ouvrage comporte de nombreuses spécificités (narration originale, personnages atypiques, mise en page particulière, contraintes, absence de césures, emploi de mots peu usuels...), il n'est pas toujours bon d'en faire une liste exhaustive, sinon, vous risquez d'ennuyer le passant, et même de lui faire peur. D'un autre côté, si votre roman est original, il est bon aussi de le faire savoir. Là encore, c'est comme une recette de cuisine, il va vous falloir trouver le bon dosage en fonction de celui qui vous écoute.

Voilà plusieurs dizaines de manifestations auxquelles vous participez, vous avez rodé votre argumentaire, les passants sont tout ouïe dès que vous parlez. Certains, même, vont jusqu'à acheter votre ouvrage alors qu'au départ ils n'en avaient pas l'intention.

Vous avez gagné, grâce à votre discours vous parvenez à influencer les passants à devenir vos lecteurs. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, vous dites-vous en paraphrasant le professeur Panglos de Candide. Attention, ne vous reposez pas sur votre acquis, un autre problème risque bientôt de se poser à vous : la lassitude.

Selon les manifestations et les jours, vous pouvez rencontrer des dizaines de personnes à qui vous raconterez plus ou moins la même chose. Si, fait exceptionnel, toutes vous achètent un livre, à la fin de la journée la lassitude sera moindre puisque vous pourrez vous enorgueillir d'avoir de nombreux lecteurs supplémentaires et, également, d'avoir gagné quelques euros bien mérités.

Mais si, pour une raison ou pour une autre, les gens vous ont écouté, parfois avec attention, mais n'ont pas été jusqu'à acheter votre ouvrage, alors, vous risquez d'avoir fortement le moral dans les chaussettes. Argumenter autant, autant parler pour ne réussir à convaincre personne ou presque, va vous faire réaliser que vous vous répétez tel un perroquet. Alors, vous allez vous interroger sur les raisons qui font que vous n'avez pas réussi à convaincre les passants. Vous lassez-vous de votre argumentaire ? Du coup, êtes-vous moins persuasif ? En tout cas, une chose est sûre, vous être blasé et, par voie de conséquence, vous ressentez bien plus la fatigue.

C'est le moment de se remettre en cause, de faire une pause ou autre chose que de la prose. Rassurez-vous, pour en avoir parlé avec d'autres auteurs, il semblerait que ce soit un passage obligé au bout d'un moment, surtout si vous avez peu de romans à votre actif ou bien si vous écrivez une série (auquel cas les arguments seront quasiment les mêmes d'un livre à un autre).

Si vous êtes productif et que vous vous attaquez à chaque fois à des genres différents, vous serez probablement moins sujet à ce sentiment... Quoique.

Maintenant, même si vous parvenez à captiver votre auditoire, que de nombreuses personnes achètent vos livres, vous serez encore confrontés à de nombreux écueils :

La dédicace :

Vous êtes l'auteur du livre que vous vendez et vous savez que tout le monde n'osera pas vous demander une dédicace. À contrario, d'autres ne veulent pas de dédicaces, mais n'oseront pas vous le dire si vous leur en proposez une. Que faire ? Proposer la dédicace au risque que l'a personne n'en voulant pas n'ose pas vous le dire ou bien ne pas en proposer au risque que la personne qui en voulait une n'ose pas la demander ?

Faites comme bon vous semble. Personnellement, même si je ne suis pas très dédicaces, je la propose toujours, pour le cas où. Mais quand je sens que la personne est réticente, je précise immédiatement que ce n'est pas obligatoire et que je ne m'offusquerai pas que la personne refuse.

D'ailleurs, durant les manifestations littéraires de la Sant Jordi, une femme m'achète un livre et je lui propose une dédicace. Voyant immédiatement que la chose ne l'enchante pas, même si elle n'ose pas le dire, je lui précise qu'il n'y a rien d'obligatoire et que je ne serai pas du tout vexé si jamais elle n'en voulait pas, que je propose une dédicace uniquement pour les gens qui en voudraient, mais n'osent pas en demander. La dame me répond alors de ne pas être vexé et, donc, je ne fais point de dédicace, ce qui ne nous a pas empêchés de discuter plusieurs minutes.

— La discussion :

Voilà l'autre problème. Vous êtes en pleine discussion avec une personne vous ayant acheté un livre, ou pas, d'ailleurs, et voilà qu'une personne s'approche et s'intéresse à vos livres. Que faire ? Couper court votre dialogue pour se focaliser sur le nouvel arrivant, ou bien demeurer dans la conversation au risque de perdre un lecteur potentiel ? Chacun fera comme bon lui semble.

— Les excentriques :

Vous êtes là pour discuter avec les gens dans le but de les convaincre de vous lire et d'autres personnes viennent vous voir pour discuter d'autre chose, qui de sa morne vie, qui de son livre préféré qui se situe aux antipodes de ce que vous écrivez, qui de choses totalement incompréhensibles.

De la personne fragile en mal d'une oreille attentive, aux marginaux alcoolisés en passant par des excentriques de tout genre, vous risquez de faire connaissance avec une population un peu spéciale qui peut, soit vous faire sourire, soit vous agacer, soit vous inquiéter.

Dans tous les cas, ces personnes vous tiennent la jambe durant de longues minutes et vous savez, par avance, que vos livres ne les intéressent pas. Que faire une fois encore ? Trop excentriques, ils risquent de faire fuir les passants. Trop bavards, ils risquent de vous faire louper des ventes. Vous espérer alors qu'un intrépide s'approche afin de vous excuser auprès du premier pour vous occuper du second. Dans tous les cas, vous souhaitez que l'inconvenant se focalise sur un autre stand, un autre auteur, ce qu'il ne manque pas de faire de toute façon.

Voilà, vous en savez un petit peu plus sur le métier d'écrivain.

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