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Loto Édition
11 septembre 2013

Frédéric Dard

AVT_San-Antonio_8313Je vais entamer cette nouvelle catégorie sur mes « Auteurs cultes », non pas par le premier auteur que j'ai suivi d'ouvrage en ouvrage, mais par un auteur que j'ai connu par sa réputation, par sa bouille, par sa bonhommie, par son langage, par des reportages, bien avant que de le connaitre, assez récemment, de par ses livres.

Cet auteur que j'affectionne encore plus humainement que littérairement n'est autre que le grand Frédéric Dard.

Difficile de parler de ce grand écrivain bien trop sous-estimé par une certaine caste qui pense qu'on ne peut être un vrai écrivain en produisant des romans populaires.

Pourtant, Frédéric Dard leur a démontré pendant des lustres en s'étalant sur des centaines d'ouvrages (des officiels comme de nombreux officieux écrits sous de multiples pseudonymes ou en tant que nègre d'autres auteurs) que le talent dépasse les genres et que le genre peut transcender le talent.

Bien sûr, je pourrais parler de sa vie, mais il est tellement facile de trouver des biographies sur le net que je préfère m'intéresser à des points particuliers du bonhomme. Son regard, tout d'abord, ses yeux aciers incrustés dans une boule de bowling patinée de tendresse, de doutes, de générosité, de truculences, de complexes, de passion...

La passion pour l'écriture lui est venue très tôt et il fit tout pour vivre de sa plume. Vivre, c'est écrire, était un de ses adages au point qu'il se forçait à noircir plus de vingt feuillets par jour, car, un jour sans écrire est un jour mort. La mort, une obsession que l'on peut retrouver dans sa saga San-Antonio pour peu que l'on pratique un peu la psychanalyse de comptoir. San-Antonio, son double, son reflet dans un miroir déformant. Complexé par un handicap au bras, obsédé par la mort au point d'avoir tenté de se suicider, son San-Antonio devient un costaud à qui rien ni personne ne résiste, pas même la grande faucheuse. Alors qu'il est promis à une mort certaine, le fameux commissaire s'en sort toujours et ironise sur les circonstances qui lui permettent toujours de se sortir de très mauvais pas.

Oxymoresque, quasi bipolaire, Frédéric Dard était naïf, doux, généreux, drôle, timide, mais pouvait également devenir violent, grande gueule, suicidaire, désagréable à vivre, belliqueux.

Il l'avouait lui-même, il fallait beaucoup d'amour à ses proches pour le supporter tant sa vie n'était qu'écriture. Romans policiers, d'espionnage, d'horreur, pièces de théâtre, nouvelles, son existence était vouée à l'écriture. Quand il n'écrivait pas, il prenait des notes, quand il ne prenait pas des notes, il réfléchissait, quand il ne réfléchissait plus, il était mort.

Frédéric Dard était un passionné qui puisait dans sa vie pour modifier ses écrits et dont la vie finit par changer à cause de ce qu'il écrivit, du moins le pensa-t-il quand sa fille fût enlevée peu de temps après qu'il eut écrit un roman dans lequel la belle-fille d'un écrivain est enlevée.

Contrairement à Sir Arthur Conan Doyle (dont je reparlerai dans un autre article) qui a toujours été écrasé par un personnage qui était alimentaire (mon cher Watson), au point de le tuer, Frédéric Dard, pour qui, au départ, San-Antonio était également un personnage alimentaire (l'écrivain rêvait du prix Goncourt), a fini par s'attacher fortement à son héros au point de piocher dans sa vie et dans ses proches pour alimenter ses aventures et appréhendait trop sa vie après San-Antonio pour oser l'anéantir au point de préparer sa succession en demandant à son fils de continuer son œuvre ce qui sera fait avec plus ou moins de bonheur.

Bien que Frédéric Dard ait eu une très grande production scripturale en dehors de la saga San-Antonio, dans l'inconscient littéraire il demeurera uniquement l'auteur des aventures du fameux commissaire. Mais peu importe, dans l'esprit de l'écrivain lui-même, Frédéric Dard était San-Antonio et San-Antonio était Frédéric Dard au point qu'il finit par signer ses ouvrages du nom de San-Antonio et qu'il fit apposer le patronyme sur ses pièces d'identité.

Mais, plus qu'un personnage, c'est avant tout une langue que Frédéric Dard a inventée. Effectivement, comme il le disait lui-même, il utilisait un vocabulaire de 300 mots, les autres, il les inventait. Ainsi plus de 15 000 mots et expressions inventés par Frédéric Dard ont été recensés dans un dictionnaire.

Frédéric Dard était donc tout dévoué à son art, passionné jusqu'au bout et il servit la littérature jusqu'au bout en créant, à lui seul, tout un pan de la littérature policière en usant d'un style unique, imagé, chatoyant, fleuri et, surtout, désopilant.

Mais les San-Antonio se démarquent par un parti pris narratif particulier, la narration à la première personne du présent de l'indicatif, plaçant le lecteur comme un pote du héros qui l'écoute raconter son aventure.

Frédéric Dard était à ce point génial qu'il a réussi à m'inspirer avant même que je n'aie lu un seul de ses ouvrages.

Frédéric Dard était un passionné des mots, un créateur jusqu'à la moindre lettre, un homme dévoué à son art, un écrivain sans pareil. Ses deux billes bleues éclairent toujours mon esprit.

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