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Loto Édition
1 janvier 2023

L'affaire Lerouge

 

Gino_Starace_-_L'Affaire_Lerouge_(Émile_Gaboriau)

Ceux et celles qui lisent régulièrement mes critiques littéraires (je ne sais pas s’il y en a) savent à quel point je ne jure que par le genre policier et que je suis passionné par la littérature populaire de jadis et par les personnages récurrents.

Du coup, les mêmes personnes doivent être persuadées qu’en tout premier lieu, j’ai dévoré toute l’œuvre d’Émile Gaboriau et, en priorité, les enquêtes de son fameux Monsieur Lecoq.

Que nenni ! Si, effectivement, je connaissais l’auteur et savais tout ce que la littérature policière lui doit, lui, le créateur du roman policier ayant inspiré les plus grands depuis Conan Doyle à Georges Simenon, je n’avais, jusqu’ici, uniquement lu « Le petit vieux des Batignolles » une nouvelle parue après la mort de son auteur.

Si j’avais adoré cette lecture, je n’avais pourtant pas remis le couvert avec un autre titre de l’écrivain devant la tâche immense qu’est celle de découvrir un maximum d’auteurs français de récits policiers.

Mais, l’erreur est désormais réparée puisque je viens de déguster « L’Affaire Lerouge », le premier roman policier de l’auteur, paru en 1866, après avoir été publié une première fois en feuilleton dans des journaux.

C’est le premier récit dans lequel apparaît Lecoq, de façon très brève puisque le personnage principal est plutôt son mentor, le Père Tabaret alias Tirauclair.

Lecoq, dans l’Affaire Lerouge, ne servira qu’à introduire dans l’enquête le Père Tabaret en vantant ses qualités d’analyse et de déduction.

Il est bon de noter que le crime de l’Affaire Lerouge et le père Tabaret semblent avoir été inspirés à l’auteur par un véritable crime sur lequel il fit un reportage pour le journal qui, le premier, publiera son feuilleton par la suite :

L’Affaire Lerouge :

Une femme d’une cinquantaine d’années, la veuve Lerouge, est retrouvée sauvagement assassinée dans sa maison. Tous les indices conduisent à un jeune homme de bonne famille : les preuves matérielles sont accablantes.
L’assassin paraît tout désigné et l’affaire bouclée, quand le doute s’immisce dans l’esprit de l’un des enquêteurs, le père Tabaret.
Certains faits le poussent à envisager le meurtre sous un autre angle, et ses découvertes réserveront bien des surprises aux lecteurs.

Les voisins de la veuve Lerouge sont inquiets de ne plus la voir depuis plusieurs jours. Ils parviennent à convaincre la police d’aller jeter un œil chez la veuve. Les policiers vont la découvrir morte, égorgée. L’inspecteur Lecoq propose alors au juge d’instruction d’aller chercher le Père Tabaret alias Tirauclair, un civil qui est, selon lui, le meilleur enquêteur qui soit. En effet, le Père Tabaret, en quelques minutes, parvient à établir le schéma du crime ainsi que les motivations de l’assassin…

Le roman d’Émile Gaboriau débute de la meilleure des manières en présentant le crime dans son aspect le plus cru et le plus froid avec la découverte du meurtre et l’inspection de la scène de crime. L’apparition du Père Tabaret rehausse encore l’intérêt du roman de par son profil atypique (un riche civil à la retraite et qui, pour occuper son temps, n’hésite pas à dépenser sa fortune pour mener des enquêtes).

Hélas, la suite de cette première séquence se perd en digression autour de l’histoire de personnages subalternes, un processus qui, malheureusement, se répétera tout du long du roman.

Si le procédé est compréhensible pour l’époque et était inspiré des auteurs et des œuvres romanesques à succès dans la première moitié du XIXe siècle, il était probablement également adopté pour faire de la ligne, pour remplir de la page puisque le récit était, à l’origine, un feuilleton pour les journaux.

Cependant, le procédé sera toujours utilisé des décennies plus tard, par Albert Boissière, par exemple, mais il est encore à la mode dans certains romans, certaines séries ou certains films, dans lesquels l’action démarre sur les chapeaux de roues avant que de nombreux flash-back permettent de découvrir l’histoire des différents protagonistes du drame.

Bref.

Je n’ai jamais été fan des narrations non linéaires et je ne le suis toujours pas, même quand elles sont de la plume d’Émile Gaboriau.

Je dois bien avouer que ces digressions m’ont fait un peu sortir du roman, mais heureusement, la qualité de plume de l’auteur et la poursuite de l’enquête m’ont permis de conserver les braises de mon intérêt jusqu’à ce que l’enquête reprenne, puis soit à nouveau interrompue par une digression sur un autre personnage, etc., etc.

Mais il est difficile d’en vouloir à un feuilleton de trop digresser comme il est impossible de reprocher à un récit fasciculaire d’être trop direct, trop concis.

Aussi, quand on s’attaque à un genre littéraire, il faut savoir en accepter les défauts (défauts pour moi, mais qui peuvent être des qualités pour d’autres).

On pourra aussi reprocher que, dès le premier roman policier, le hasard soit le grand guide de l’enquêteur, car, si Tirauclair est, effectivement, un enquêteur de génie, il n’en demeure pas moins qu’il est rapidement aidé par le hasard qui le fait entrer en possession d’éléments capitaux pour la compréhension du crime…

Et le hasard continuera à jouer des tours au juge d’instruction et à d’autres personnages du roman.

Pourtant, malgré ces défauts (pour moi), force est de constater que la qualité de la plume de l’écrivain ainsi que l’attrait pour son personnage principal, le père Tabaret, ont largement emporté la timbale puisque c’est avec un évident plaisir que je poursuivais ma lecture.

J’aurais pu être quelque peu déçu par certains rebondissements un peu trop prévisibles, par une intrigue au final assez simple, mais il s’agit là d’un roman policier et non d’un Thriller.

Je rajouterais enfin que certains personnages sont insupportables, notamment et surtout la maîtresse du jeune avocat..

Au final, un premier roman policier qui a les défauts de ses origines (le récit feuilletonnisant), de son époque (les digressions autour du passé des personnages) et de son genre (le hasard comme premier allié des enquêteurs), mais qui se révèle pourtant un bon roman policier notamment grâce à une première scène efficace, une plume très agréable et un personnage principal attachant.

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