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Loto Édition
23 juin 2019

Du sang sur le bitume

CouvDSSLB

Est-il encore besoin de vous dire combien j’adore les romans de J.A. Flanigham ?

Ce n’est pourtant pas faute de l’écrire à chacune de mes chroniques sur un de ses titres tant, jusqu’ici, aucun ne m’a réellement déçu.

J.A. Flanigham, je ne pourrais vous en dire grand-chose tant il est mystérieux, si ce n’est que derrière ce pseudo se cache un autre nom, tout aussi énigmatique : Raymon Gauthier.

Tout ce que l’on sait de lui c’est qu’il œuvra dans la littérature populaire (principalement policière) entre 1946 et 1959 chez quelques éditeurs (Moulin Vert, Lutèce, Ferenczi) et qu’il développa trois séries policières assez différentes : les aventures de Bill Disley, les aventures de Dick et Betty et Les dessous de l’agence Garnier.

À part ces trois séries, quelques fascicules indépendants dont les textes varient entre 10 000 et 42 000 mots.

« Du sang sur le bitume » est un de ces titres indépendants dont l’édition première fut façonnée en fascicule 128 pages dans la collection « Noire et Rose » des éditions Lutèce en 1954.

Le texte, quant à lui, dépasse à peine les 29 000 mots.

DU SANG SUR LE BITUME

Peter MANICOL, jeune représentant en fournitures de bureau, est en proie aux doutes. Il est amoureux fou, depuis six mois, de la belle et mystérieuse Mary qu’il rencontra, un soir, affolée et démunie, et qu’il décida d’accueillir chez lui sans poser de questions sur son passé.

Mais il sait que les goûts de luxe de sa Mary s’accordent de moins en moins avec les faibles revenus de son triste métier…

Tandis qu’il se rend aux toilettes d’une auberge dans laquelle il s’était arrêté pour noyer son dépit dans un verre de bière entre deux prospections, il entend un cri de femme provenant d’une chambre du palier. La porte s’ouvre, une superbe créature terriblement effrayée en sort et s’évanouit dans ses bras.

En la portant à l’intérieur, Peter MANICOL remarque trois choses importantes qui vont modifier le cours de sa vie : un homme imposant gît dans un bain de sang sur le lit ; une paire de chaussures bien trop petites pour appartenir au défunt dépassent sous le rideau de la penderie ; une sacoche contenant une forte somme d’argent en billets de banque…

Peter Manicol est un représentant en fournitures de bureau qui, 6 mois auparavant, a rencontré la mystérieuse Mary, un soir, dans des conditions étranges. La jeune femme, effrayée, s’est presque jetée dans ses bras et, par esprit chevaleresque, il l’a recueillie chez lui, sans rien lui demander, et l’a aimé tout de suite.

Mais il a peur de la perdre, car la jeune femme est visiblement habituée à plus de luxe et, chez lui, les fins de mois sont difficiles.

Il réfléchit au moyen de faire de l’argent au comptoir d’une auberge. Il décide d’aller se laver les mains. Les lavabos sont à l’étage. Là-haut, il entend un cri, une porte s’ouvre et femme sort d’une chambre apeurée puis s’évanouit dans ses bras.

Il la porte jusque dans la chambre et là il découvre un cadavre d’homme sur le lit. La jeune femme porte des ecchymoses sur le corps... l’esprit chevaleresque de Peter est de retour et il lui propose de l’aider et lui donne rendez-vous dans une auberge avoisinante où il l’attendra le temps qu’elle reprenne ses esprits.

Mais, pendant qu’elle est dans la salle de bain, Peter découvre une sacoche pleine d’argent et décide de s’en emparer avant de quitter la chambre...

J.A. Flanigham nous a préparé, ici, un roman dont l’intrigue s’intègre parfaitement dans son époque, tant dans le genre que dans l’esprit, s’inspirant, comme toujours, du roman noir à l’américaine.

Comme bien souvent, il déplace l’action en Angleterre, probablement pour coller au mieux avec son pseudo.

Chez J.A. Flanigham (roman noir à l’américaine oblige), la femme est bien souvent vénéneuse, du moins, si ce n’est l’instigatrice machiavélique du nœud de l’affaire, du moins la responsable, même indirecte, des tristes évènements. L’homme, lui, bien que se partageant toujours entre le gentil héros et le vilain méchant, est irrémédiablement attiré et manipulé par le beau sexe d’une façon toujours très naïve et irréversible.

On ne s’étonnera alors pas de retrouver toutes ces caractéristiques dans ce roman et même un petit air de « déjà vu » dans cette intrigue faussement complexe, au départ, et si simple, au final.

Car, si le personnage central du roman est Peter, un jeune homme trop bon (bonne poire, dit Mary) qui ne peut résister au charme des belles femmes (et toutes les femmes sont belles chez Flanigham), l’auteur multiplie pourtant les personnages en ajoutant une autre femme (belle aussi, mais pas de la même façon), un journaliste (beau gosse également), deux vilains méchants (dont un est beau, et l’autre ressemble à Erol Flynn), un espion, un policier (frère de l’espion)...

Et le lecteur va assister impuissant aux malheurs de Peter, trop bonne poire, mais surtout trop cœur d’artichaut puisqu’il suffit qu’une belle femme se jette dans ses bras pour qu’il en oublie presque immédiatement l’amour fou qu’il portait encore quelques minutes auparavant à la femme précédente.

Bien évidemment, ainsi raconté, on pourrait penser que le roman est, si ce n’est rébarbatif, du moins peu intéressant et l’on ne se tromperait probablement pas si l’auteur n’en était pas J.A. Flanigham, un auteur certes mystérieux, mais assurément talentueux qui, même à partir d’une intrigue moyenne, malgré le manichéisme parfois irritant de ses personnages, bien que tous les intervenants soient toujours très beaux, délivre toujours un excellent roman et ce qu’elle que soit le format et la taille du récit, car Flanigham était indéniablement un auteur de talent. Ses principales qualités étant la maîtrise des formats courts notamment grâce à une aisance dans les incises et les indications scéniques lors des dialogues lui permettant non seulement de dépeindre au mieux ses personnages avec une concision notable, mais également de rythmer ses récits et leurs conférer une ambiance particulière.

Et ces qualités, même si elles ne sont pas à leur paroxysme, sont présentes dans ce roman.

Au final, bien que n’étant pas, de loin, le meilleur roman de son auteur, « Du sang sur le bitume » se révèle toutefois très agréable à lire et un auteur qui offre de bons moments de lecture dans ses moments les plus faibles est assurément un auteur de talent.

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