Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Loto Édition
10 mai 2023

Le couteau suisse de l'édition

couteau-suisse-swisschamp

Il y a plus de 117 ans, les lecteurs américains découvraient, dans les pages du journal « Boston American », un des principaux rivaux de Sherlock Holmes : le professeur Augustus S. F. X. Van Dusen surnommé « The Thinking Machine » pour ses capacités à résoudre toutes les énigmes par la simple réflexion et souvent sans même sortir de chez lui.


Ce personnage créé en 1905 par l’écrivain Jacques Futrelle (un Américain, contrairement à ce que son pseudonyme laisse penser) eut un succès fulgurant au point que son auteur, à l’époque journaliste, abandonna son métier pour se consacrer pleinement à l’écriture de romans et récits policiers.

Il écrivit plus d’une cinquantaine de « problèmes » à résoudre pour son personnage. Parmi les derniers récits écrits, certains ne seront jamais accessibles aux lecteurs du fait qu’ils ont coulé, en même temps que l’écrivain, à bord du Titanic en 1912.

Heureusement, la femme de Jacques Futrelle a pu être sauvée et elle emporta, avec elle, quelques derniers écrits de son mari (dont une demi-douzaine d’enquêtes de The Thinking Machine) qui furent publiés à titre posthume.

Ces « problèmes » continuèrent à avoir du succès aux États-Unis, mais aussi ailleurs, dont certains pays européens (Futrelle rentrait d’une tournée en Europe pour prendre contact avec des éditeurs quand il mourut).

Le personnage a tellement marqué les esprits qu’il eut même le droit d’intégrer la série télévisée anglaise « The Rivals of Sherlock Holmes » au début des années 1970.

Curieusement, en France, ce personnage est passé quasiment inaperçu et seules quelques-unes de ses enquêtes furent traduites.

Pourtant, cette série avait (et a toujours) un grand potentiel aussi bien au niveau de son personnage principal, un vieux scientifique grincheux qui prend les enquêtes criminelles comme des problèmes de mathématiques ou des expériences de physique chimie et des intrigues qui visitent tous les sous-genres du roman policier (crime en chambre close, évasion impossible, alibi parfait, whodunit, meurtre mystérieux, arnaque, cambriolage, enlèvement…).

Il était donc temps de permettre aux lecteurs de découvrir enfin ce personnage et c’est désormais chose faite, puisque je me consacre, en ce moment, à la traduction des textes de la série.

Hé oui ! Voilà que je rajoute une corde à mon arc et un outil à mon couteau suisse.

Déjà éditeur, correcteur, maquetteur, illustrateur, infographiste, codeur, commercial, auteur, directeur de collections, webmaster, hôtesse d’accueil téléphonique, me voilà maintenant traducteur.

Moi, traducteur ! Ceux qui me connaissent doivent bien rire.

Effectivement, si vous avez lu mes différentes chroniques sur mes lectures, vous ne devez pas ignorer que je ne lis quasiment que des textes écrits en langue française, pour être certain de lire ce que l’auteur a voulu écrire et non l’adaptation de son texte par un traducteur.

Car, je me base sur l’axiome italien « Traduttore, traditore » qui signifie « traducteur, traître ».

Effectivement, toute traduction est une trahison, car un traducteur sera influencé par son expérience, par son vécu, par son caractère, son état d’esprit pour sélectionner ses mots, la tournure de ses phrases, quand il aura le choix.

Et cela est sans compter les traducteurs qui trahissent ouvertement les textes qu’ils traduisent comme Marcel Duhamel a pu le faire avec le roman « Pop. 1280 » de Jim Thompson dont sa traduction s’intitule « 1275 âmes » démontrant dès le titre qu’il manque 5 personnages à l’histoire. On peut également parler des traductions-adaptations comme celles de l’écrivain suisse Michel Epuy qui, justement, traduisit quelques enquêtes de The Thinking Machine en changeant les noms des personnages et des lieux pour « helvétiser » l’ensemble.

Alors, oui, je suis toujours convaincu qu’un traducteur trahit un auteur et, étant désormais les deux, je suis dans une position un peu ambiguë.

Pourtant, j’essaye de respecter au mieux les textes de Jacques Futrelle et j’y prends beaucoup de plaisir.

Beaucoup de plaisir, car je découvre de bons textes, mais, plus encore, je les découvre sous un autre jour que si je n’étais qu’un simple lecteur.

Car, contrairement à une pure lecture, la découverte, ici, se fait lentement, petit à petit, quasiment mot par mot.

Ainsi, l’impatience de connaître la suite s’ajoute au simple plaisir de lecture.

Alors, oui, j’ai essayé de respecter au maximum le texte original sans surtout ajouter ma patte au style de l’auteur. D’ailleurs, Jacques Futrelle étant plutôt un auteur allant directement à son sujet, rares sont les circonvolutions littéraires dans ses textes, ce qui fait que le traducteur n’a pas loisir de se laisser aller.

Mais quand bien même, en comparant la traduction de certains textes déjà traduits par le passé, notamment pour le recueil « Les 13 enquêtes de la Machine à Penser », j’ai pu constater que cela n’empêchait pas certains traducteurs de prendre de légères libertés avec le texte original.

J’ai tenté de me garder de ce travers le maximum possible.

À peine ai-je évité quelques répétions dans les incises de dialogues quand celles-ci étaient trop nombreuses et limité les « fut la réponse », tournure de phrase très souvent utilisée (en anglais) par Jacques Futrelle, mais que je trouvais déjà lourde, à la base, alors, quand elle est trop souvent répétée…

Pour le reste, je vous laisse découvrir, d’ailleurs, le premier Tome (numéroté Zéro) comportant trois petits récits de présentation du personnage est disponible gratuitement.

Je vous encourage, ensuite, à acheter les Tomes suivants (seulement 0,99 euro), car La Machine à Penser mérite d’être redécouverte et, aussi, car ce sera une façon de me conforter dans ma décision de faire ces traductions, car c’est un investissement temporel non négligeable.

Puis, tant que vous y êtes, plongez également dans toutes les autres collections du catalogue, vous découvrirez plein d’auteurs francophones totalement oubliés et qui, eux aussi, méritent d’être redécouverts.

Bonnes lectures.

Publicité
Commentaires
Loto Édition
Publicité
Loto Édition
  • Parce que l'édition est une véritable loterie dans laquelle il y a beaucoup d'appelés et très peu d'élus, il est grand temps que quelqu'un mette sa plume dans la fourmilière afin de faire connaître aux lecteurs la cruauté du milieu du livre !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Derniers commentaires
Archives
Pages
Publicité